Un hangar gonflable doit être testé pour la première fois pour protéger l’aéroplane suisse, à St. Louis (Missouri), où Bertrand Piccard devait achever dans la nuit de lundi à mardi la troisième étape du périple transaméricain. Cette logistique lourde, et polluante à transporter, peut-elle ternir l’image pro-environnementale du projet?
Technologies Un hangar gonflable doit être testé pour la première fois pour protéger l’aéroplane
Cette logistique, lourde et polluante à transporter, peut-elle ternir l’image pro-environnementale du projet?
Troisième étape de la traversée des Etats-Unis pour Solar Impulse: à bord de son avion solaire, Bertrand Piccard a quitté lundi matin l’aéroport de Dallas-Fort Worth pour rejoindre, ce mardi matin vers 1h en principe, celui de Saint-Louis. Mais il y a été précédé par des visiteurs bien indésirables: les tornades, les inondations et le mauvais temps. Des événements dévastateurs qui ont conduit le gouverneur de l’Etat du Missouri, Jay Nixon, a déclarer l’état d’urgence, et qui ont, entre autres, endommagé le hangar devant abriter l’engin volant suisse, le rendant inutilisable. L’équipe de Solar Impulse a toutefois plus d’un tour dans son sac, puisqu’elle pourra tester «en vrai» un équipement qu’elle prévoyait de réserver pour le tour du monde prévu en 2015: un immense hangar gonflable, construit tout exprès pour l’aéroplane suisse!
«La tempête a en partie détruit le toit du grand hangar que nous voulions utiliser, confirme André Borschberg, directeur du projet et lui aussi pilote de l’avion, joint sur la route entre Dallas et Saint-Louis. Des pièces menacent encore de choir, si bien qu’il serait trop dangereux de s’y loger. Nous avons donc décidé de déployer, pour la première fois en situation réelle, notre hangar gonflable.»
Selon l’ingénieur, ce projet a été pensé dès 2006, et minutieusement conçu par une équipe d’ingénieurs, pour répondre au plus gros impératif inhérent à cette expédition technologique appelée à accomplir un périple autour du monde: permettre à Solar Impulse de se poser, même sur des aéroports ne disposant pas de bâtiment assez vaste pour l’accueillir. Les critères? Etre léger et facilement transportable, tout autant facile à installer mais résistant aux conditions météorologiques défavorables, ceci tout en se montrant translucide pour permettre la recharge de l’avion par la lumière solaire, à travers les quelque 12 000 cellules photovoltaïques installées sur ses ailes. Selon l’équipe, ce cocon de plastique tiendrait face à des vents de 100 km/h. «Nous n’avons pas eu l’occasion de le tester dans ce cas de figure extrême, c’est pourquoi nous sommes un peu tendus», admet André Borschberg. Qui abonde: «L’objet est constitué de centaines d’alvéoles quasi indépendantes les unes des autres, qui permettent de minimiser les problèmes en cas de déchirure.»
L’ensemble, formé de 2000 éléments de tissu fin et léger, constitue un immense puzzle en trois dimensions. Des sections en forme de demi-cylindre sont gonflées les unes après les autres, puis assemblées par simple traction par les membres de l’équipe, et enfin reliées avec d’immenses fermetures éclair. «En fait, c’est le hangar qui se met autour de l’avion, plutôt que l’avion dans le hangar», explique André Borschberg, qui précise encore: «Il ne s’agit pas de la même technologie que les «bulles» sous pression qui permettent de jouer au tennis en hiver. Pour notre hangar, nous recréons les parois du hangar avec deux couches de tissu et, entre elles, de l’air qui, une fois insufflé avec des ventilateurs, permet à la structure de prendre forme.»
La coque de plastique, d’une superficie d’une centaine de mètres sur 35 environ, pour une masse d’environ deux tonnes, est ensuite fixée dans le sol. Il faut une douzaine de personnes pour achever l’installation en quatre heures environ, et deux ou trois heures supplémentaires pour la sécuriser.
Cette logistique permet donc, en théorie, à l’équipe de décider au dernier moment de l’endroit où Solar Impulse va se poser. Car, si dans le périple américain, la destination de Saint-Louis est connue et le transport du hangar peut se faire par camion, lors du tour du monde de 2015, ce cocon de caoutchouc, les outils nécessaires à l’ériger, l’équipe devant faire ce travail, ainsi que le matériel servant éventuellement à réparer l’avion solaire, seront installés dans un avion-cargo qui précédera de peu ce dernier.
Selon certains observateurs, cette logistique relativement complexe, qui a nécessité l’utilisation de beaucoup de plastique pour fabriquer le hangar gonflable, et qui induit une certaine pollution pour le transport de toute cette «caravane technique», ternit le message pro-environnemental véhiculé par le projet Solar Impulse. «Le problème, c’est qu’il s’agit avant tout d’une opération de publicité, dit Dominique Bourg, professeur de philosophie de la nature à l’Université de Lausanne. Et ses initiateurs, des mascottes de ce qu’on appelle l’«économie verte», dont l’idée est de vouloir «financiariser» ou «monétariser» la nature, ce qui nous mène dans le mur en nous faisant croire que l’on va dans le bon sens. Le projet n’a aucun intérêt par rapport aux défis qui sont les nôtres dans notre société, car il recourt à des technologies coûteuses, nécessitant parfois des matériaux rares sur Terre, qui d’ailleurs, sont en voie d’épuisement.»
«Nous ne sommes pas un projet «écolo», rétorque André Borschberg. Car, si l’on voulait simplement éviter de dépenser de l’énergie, on ne l’aurait pas lancé il y a 12 ans. Il s’agit d’une démarche technologique et de communication pour montrer comment, par des actions simples, l’on peut économiser de l’énergie. Un exemple? Grâce aux matériaux d’isolation utilisés pour protéger le cockpit, il serait possible de réduire de 25% les pertes thermiques d’une habitation américaine typique» – des maisons souvent construites en bois et mal isolées. «Nous voulons créer une motivation, susciter une prise de conscience. Et cela aussi dans des endroits peuplés, mais a priori peu appropriés à accueillir Solar Impulse.» D’où, selon lui, la nécessité de ce hangar.
«C’est avant tout une opération de publicité, et ses initiateurssont les mascottesde l’économie verte»