Mieux qu’Al Gore en 2006 avec son film Une vérité qui dérange. Bien mieux aussi que Greta Thunberg et ses vendredis sans école. Et mille fois mieux que l’ensemble des gouvernements politiques du monde réunis.
Un microbe encore inconnu il y a deux mois est en train d’imposer à la planète, à lui tout seul, certaines des mesures que ses habitants devraient prendre pour contrer un autre problème tout autant, voire plus menaçant que la pandémie qui nous pend au bout du nez comme un rhume: le réchauffement climatique. Les parallèles sont aussi frappants que troublants.
Il n’y a qu’à ouvrir internet pour lire les gros titres, notamment:
Tous ces exemples montrent cependant qu’il est possible, malgré ces changements, de continuer à vivre plus ou moins comme avant, alors même que rôde le coronavirus. Et que – toutes proportions gardées – cette situation pourrait être transposée à un monde dans lequel on aurait pris des mesures réelles et immédiates contre le réchauffement climatique, certes parfois contraignantes.
Alors évidemment – direz-vous – je ne suis certainement pas le mieux placé pour le dire. Par exemple, je ne gère pas une entreprise qui dépend fortement de l’approvisionnement chinois en pièces détachées. Je ne risque donc pas de devoir licencier ou mettre temporairement au chômage technique mes employés, tant il est vrai que cette pandémie de coronavirus laisse poindre un risque réel de récession mondiale, avec les vagues de licenciements que l’on doit redouter. Je ne suis pas davantage chinois, habitant de Wuhan (foyer de l’épidémie), contraint de rester cloîtré à domicile. Ou encore, je n’organise pas, avec une perte sèche en cas d’annulation, un événement attirant plus de 1000 participants (enfin, si, j’ai eu le plaisir de le faire, mais – ouf – c’était en juillet 2019!).
Par ailleurs, il est fort probable que, une fois cette crise sanitaire tassée, en premier lieu en Chine, le gouvernement chinois mette les bouchées doubles pour relancer la machine de production du monde, voire initie de nouveaux chantiers d’infrastructures très énergivores. Au point que, au 31 décembre 2020, les émissions de CO2 sur l’année entière risquent fort de n’avoir finalement pas diminué là-bas. «Ceux qui croient pouvoir saluer une pause bienvenue dans l’urgence climatique devraient retenir leur optimisme», a d’ailleurs analysé Li Shuo, porte-parole de Greenpeace Chine il y a quelques jours.
Mais quoi qu’on en dise, ce satané virus a intrinsèquement fait trembler les lignes de la mondialisation, et plutôt fortement. Il a subrepticement imposé la réalité d’une planète où il n’y a plus forcément besoin d’aller à Venise, Berlin ou Bilbao pour passer un bon week-end. Ou à Canberra pour mener à bien, en personne, une réunion professionnelle.
Il a surtout montré explicitement que toutes les réactions de précaution décrites ci-dessus avaient des effets rapidement visibles sur le climat (en faisant baisser un peu les émissions de CO2). Et qu’il existe, pour contrer le changement climatique – et pour achever la comparaison avec l’épidémie –, des adaptations concrètes, possibles et immédiates, à tous les niveaux socio-économiques d’action et de décision. Par exemple:
On peut ainsi se prendre à espérer que les traces que laissera ce virus dans l’histoire seront non seulement des décès par centaines, bien sûr tous dramatiques et regrettables, mais aussi peut-être l’émergence d’une conscience renouvelée face à la problématique du réchauffement climatique et d’une conviction qu’il est possible, sans trop souffrir, d’y remédier.
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