La cérémonie avait un peu de la pesée d’un combat de boxe, où chaque protagoniste fait saillir ses muscles et briller ses cuissettes, tout en affirmant que c’est lui le meilleur
La cérémonie avait un peu de la pesée d’un combat de boxe, où chaque protagoniste fait saillir ses muscles et briller ses cuissettes, tout en affirmant que c’est lui le meilleur. Hier, à Budapest, la Commission européenne a présenté les six gigantesques projets de recherche liés aux technologies de l’information et de la communication, qui doivent révolutionner notre manière de vivre. Robots compagnons, «boule de cristal» informatique pour prédire les crises socio-économiques, puces électroniques portables censées sauver des vies humaines, médecine personnalisée, matériaux futuristes, reconstitution d’un cerveau humain sur ordinateur: chaque leader de projet a eu loisir de faire qui une description encourageante et réaliste, qui une présentation à l’allure de clip publicitaire, qui des promesses qui pourraient être difficiles à tenir. D’ici à l’été 2012, l’UE choisira deux de ces six initiatives, qui recevront alors 100 millions d’euros par an pendant dix ans!
D’aucuns préféreraient voir ces montants importants dépensés pour soutenir les jeunes chercheurs de manière ciblée. L’Europe, pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé (accorder 1% de son PIB au soutien de la recherche) et contrer l’attrait d’autres régions, en Asie surtout, a décidé de marquer un grand coup. Il y a là une bonne nouvelle, et une moins bonne.
La bonne? Parmi les six projets nominés, trois sont coordonnés ou codirigés par nos Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne ou Zurich. L’étoile de la science helvétique a brillé de tout son lustre dans le ciel magyar. Une telle emprise est à mettre au crédit des structures et programmes qui, malgré des erreurs de parcours, ont été judicieusement mis en place durant ces vingt dernières années en Suisse; ils ont déjà permis aux chercheurs de réfléchir en réseau tout en visant un objectif commun. Une manne supplémentaire permettrait de les faire vivre sur la durée.
Et l’aspect moins réjouissant? La décision finale concernant les deux lauréats sera plus politique que scientifique. D’autant que l’UE ne paiera pas tout, mais demandera une grosse participation aux pays impliqués dans les projets potentiellement choisis. Des gouvernements qui, comme dans les coulisses d’un combat de boxe, ne manqueront pas de s’arranger sur les vainqueurs.
Alors que tout le monde marche sur des oeufs, les initiateurs des projets «suisses» ne pourront lever les deux bras en signe de victoire qu’à deux conditions. D’abord, que les institutions et chercheurs du réseau multinational tissé au sein de chaque projet fassent suffisamment bien leur travail de lobbying auprès de leur propre gouvernement pour que celui-ci voie davantage d’intérêts nationaux à s’engager qu’à ne pas le faire. Et ensuite, que le gouvernement suisse s’implique à la juste mesure financière dans ces projets tout en négociant assez subtilement le virage de ses relations à venir avec l’UE, pour que la recherche helvétique ne soit pas mise en balance avec d’autres objets de négociation politique. Une partie qui s’annonce serrée jusqu’au round final.
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