La filiale de RUAG à Nyon produit un élément clé des engins spatiaux. C’est son plus important contrat depuis sa création
Pour le site de RUAG Space de Nyon, il s’agit de rien de moins que la plus importante commande depuis sa création (sous le nom de Mecanex en 1959). Ses collecteurs-balais, des pièces de très haute technologie – cruciales dans le fonctionnement de certains satellites –, équiperont ceux de la constellation du futur réseau mondial de télécommunication Iridium NEXT. L’entreprise nyonnaise vient de remporter un contrat de plusieurs millions de francs avec le consortium français Thales Alenia Space, maître d’Å“uvre du programme. «Cette commande exceptionnelle est un succès extraordinaire pour notre établissement», se félicite Marie-Thérèse Ivorra, directrice du site RUAG Space Nyon, qui emploie 60 personnes.
«Aussi appelés joints électriques tournants, les collecteurs-balais relient les panneaux solaires d’un satellite au corps de l’engin», explique Olivier Chappuis, directeur des ventes. Ce sont donc des éléments de connexion électrique mobiles, dont l’idée est relativement simple: un peu à l’image du mécanisme interne d’une boîte à musique, de minces pinceaux alignés comme un peigne sont apposés contre un cylindre, dans divers canaux. Le contact électrique entre l’intérieur du satellite et les panneaux fournissant le courant peut ainsi être assuré malgré la rotation nécessaire et complète de ces derniers, qui doit permettre leur orientation optimale face au Soleil.
Si le principe de fonctionnement est simple, la réalisation de ces joints tournants – «des petits composants qui sont non redondants et donc critiques», précise Olivier Chappuis – s’avère moins triviale. Pour résister aux conditions extrêmes régnant dans le vide spatial (température, exposition aux rayonnements, etc.), ils sont notamment construits dans un alliage d’or, selon une méthode de fabrication dont RUAG Space Nyon s’est fait une spécialité reconnue dans le monde. «Nous détenons 60 à 80% du marché libre ouvert dans ce domaine», précise Olivier Chappuis. «Pour les employés, fabriquer ces éléments est à chaque fois un défi technique passionnant, car chaque pièce – ou modèle – est unique», ajoute Marie-Thérèse Ivorra.
L’entreprise lémanique devra produire 167 unités entre 2012 et 2015, qui viendront équiper, dès le milieu de cette décennie, les 81 satellites du réseau de téléphonie Iridium NEXT. «Il s’agit de la deuxième génération de ce programme, la première, lancée en 1998 par Motorola, arrivant gentiment en fin de vie, précise Olivier Chappuis. La firme américaine a même fait faillite à cause de la concurrence de la téléphonie mobile terrestre.»
Grâce à ce nouveau réseau global, qui devrait entrer en service en 2017, les utilisateurs bénéficieront, où qu’ils soient sur la Terre, d’un débit plus élevé pour la transmission des données. L’autre avantage de ce projet est que les satellites pourront communiquer entre eux, minimisant ainsi les besoins au sol.
Pour honorer ce contrat, et autant de pièces, «il nous faudra suivre une approche industrielle, abonde Olivier Chappuis. Cela tout en satisfaisant aux exigences de qualité liées à l’espace, en respectant les délais, et en contrôlant nos coûts – et le cours de l’euro ne nous aide pas…» A ce sujet, le directeur des ventes tient néanmoins à souligner que c’est, malgré le franc fort, RUAG Space Nyon qui a emporté le morceau, alors que la société était en concurrence avec deux entreprises, l’une française et l’autre américaine. «Nous nous reposons sur 25 ans d’activité dans le domaine spatial, fait valoir Marie-Thérèse Ivorra. Il faut savoir que les clients auscultent chaque composant de très près. Sur ce marché, la réputation est donc très importante.»
«RUAG Space dispose d’un excellent héritage de vol. Nous travaillons avec eux depuis longtemps et nous connaissons la qualité de leur travail», justifie Thierry Paquin, acheteur de produits pour Thales Alenia Space, qui précise: «Pour être concurrentielle, la société suisse a aussi consenti un gros effort financier.»
Pour Marie-Thérèse Ivorra, la signature de cet important contrat met en lumière plusieurs aspects: «D’une part qu’il existe chez nous, en Suisse, un savoir-faire unique et précieux en microtechnique. D’autre part que les activités de RUAG ne se limitent pas aux équipements de défense et de sécurité», comme le public le pense encore souvent, selon elle. Sur les quelque 7700 collaborateurs que compte la firme suisse basée à Berne, sa filiale RUAG Space en compte 1100, 577 travaillant en Suisse (Nyon, Emmen et Zurich), les autres en Suède et en Autriche.
Considéré comme le plus grand fournisseur indépendant de produits pour l’industrie spatiale en Europe (le plus célèbre étant peut-être l’immense coiffe détachable des lanceurs Ariane 5), RUAG Space a réalisé, en 2010, un chiffre d’affaires de 283 millions de francs.
A noter encore que l’antenne suédoise de RUAG Space avait déjà remporté plus tôt cette année une commande de 81 «Payload Control Units» pour le programme Iridium NEXT; ces unités électroniques produites à Göteborg surveillent et contrôlent la charge utile du satellite.