Dans ses nouvelles directives publiées ce lundi, l’OMS a divisé par 10 la limite des concentrations de radon admissible dans les habitations. Tout le pays, et non plus les seules régions montagneuses, est donc désormais concerné par les émissions de ce gaz radioactif incolore et inodore
La question d’une exposition nocive au radon, un gaz naturel radioactif, ne doit plus uniquement se poser dans les régions montagneuses de Suisse, mais dans l’ensemble du pays. «Le problème est plus sérieux que prévu», confirme Christophe Murith, chef de la section «risques radiologiques» à l’Office fédéral de la santé publique. Ce constat découle des nouvelles directives publiées hier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Le radon est un gaz issu de la désintégration d’autres éléments radioactifs enfouis dans la Terre, surtout l’uranium-238. Il est libéré à travers les sols. Sa diffusion dépendant de la perméabilité des roches, les différences sont marquées en Suisse. Le radon tend à s’accumuler dans les espaces clos et mal ventilés (mines, caves, etc.), en s’y infiltrant à travers des fissures, de la tuyauterie ou tout autre interstice.
Les problèmes apparaissent lorsque ce gaz est inhalé; et les occasions sont d’autant plus grandes lorsqu’une pièce pensée pour être une cave ou un sous-sol a été transformée en lieu de vie (chambre de jeu, carnotzet, etc.). La désintégration des atomes dans les muqueuses des poumons produit des radiations ionisantes qui endommagent les cellules. Un processus qui peut conduire au cancer. «Le radon est la deuxième cause la plus importante du cancer du poumon après la fumée», avise Maria Neira, directrice du département de santé publique de l’OMS. Entre 3 et 14% des cancers du poumon seraient dus au radon. En Suisse, 200 à 300 personnes par an sont touchées.
Lien de cause à effet établi
Dans les années 1960, des premières études épidémiologiques, menées sur des mineurs de la Bohême, ont permis de faire le lien entre inhalation de radon et cancer. L’OMS a alors fixé à 1000 becquerels (Bq) par mètre cube d’air la limite à ne pas dépasser en terme de concentration moyenne annuelle, le Bq étant l’unité servant à qualifier l’activité des éléments radioactifs (nombre de désintégrations par seconde). Pendant des décennies, les différents pays concernés ont construit sur cette valeur limite leur stratégie de protection et leur législation sur le radon. Dès 1994, la Suisse a élaboré un programme de repérage des communes concernées et d’assainissement des bâtiments trop peu fiables, programme devant s’étendre jusqu’à 2014.
Il y a quelques années, plusieurs études épidémiologiques ont été lancées, en Europe, en Amérique du Nord et en Chine, sur des publics cibles plus représentatifs que les seuls mineurs. Leurs conclusions montrent aujourd’hui que «des expositions basses ou moyennes au radon à domicile pouvaient contribuer de manière substantielle à l’apparition de cancers», résume le Dr Maria Neira. Ce qui a conduit l’OMS à recommander d’adopter non plus 1000, mais désormais 100 Bq/m3 comme valeur de référence, afin de réduire à un minimum les dangers sanitaires liés au radon dans les espaces intérieurs. Au plus les pays peuvent-ils prendre la valeur de 300 Bq/m3 en cas de situations particulières.
Nouveau plan d’action
Cette nouvelle donne va chambouler la situation en Suisse: ce ne sont plus 2500 à 5000 édifices qui seraient concernés, mais environ dix fois plus! Comme l’a appris Le Temps, l’OFSP est en train de finaliser un plan d’action pour réviser les valeurs directrices, qui sera soumis au Conseil fédéral. «La législation en vigueur ne permet plus une prise en compte suffisante de la menace avérée que constitue le radon», justifie Christophe Murith, qui ajoute aussitôt: «Notre but n’est pas d’être alarmiste ou rassurant, mais de livrer des informations sur la base des connaissances existantes, afin d’agir adéquatement.»
Car les solutions existent, faciles et efficaces. Diagnostiquer la présence de radon dans les pièces en contact avec le sol est possible pour un coût modeste (une centaine de francs). Quant aux moyens d’assainissement, visant à limiter la diffusion du radon, ils vont des systèmes d’aération à la pose de faux planchers creux et ventilés, en passant par l’amélioration de l’étanchéité des dalles; leurs coûts s’échelonnent entre un et plusieurs milliers de francs. Un effort financier qui peut être payant: l’OMS rappelle qu’avec chaque tranche supplémentaire de 100 Bq/m3 auquel l’homme est exposé son risque de cancer augmente de 16%. «L’Office fédéral de l’énergie a mis en place un vaste programme d’assainissement énergétique des bâtiments, reprend Christophe Murith. Il faut utiliser les synergies avec ce programme pour s’affranchir des risques sanitaires associés au radon.»
Un autre moyen efficace d’amoindrir le problème à coûts marginaux «est de ne pas le créer. Quelque 35 000 permis de construire sont accordés chaque année. Il suffit de bien le faire. Pour cela, il faut que les différents corps de métier de la construction soient davantage sensibilisés à ces questions, voire formés à en tenir compte dans leur travail.» «Nous sommes conscients du problème, admet Walter Maffioletti, directeur de la formation continue pour la Suisse romande et le Tessin à la Société suisse des ingénieurs et architectes (SIA). C’est pourquoi nous organisons des cours de sensibilisation destinés aux professionnels du bâtiment. Le prochain a lieu début octobre à l’EPFL, organisé en collaboration avec la haute école et l’OFSP.»