Un poste à responsabilités, qui rend la Suisse visible
Pour qui est passionné d’espace et de voyages spatiaux, c’est un poste de rêve, celui de responsable des lanceurs au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA). C’est un Fribourgeois, Daniel Neuenschwander, qui vient d’y être nommé par les 22 Etats membres de l’ESA. Au Temps, il dit «se réjouir beaucoup de ce nouveau défi, qui va engager toutes [ses] capacités, et auquel sont liées beaucoup d’attentes.»
Après avoir suivi des études en géographie physique à l’Université de Fribourg et une formation de pilote de ligne, Daniel Neuenschwander, 40 ans, a effectué sa carrière professionnelle dans le secteur aérospatial. Pour encore quelques mois responsable des Affaires spatiales au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), et anciennement chef de la délégation suisse à l’ESA entre 2006 et 2009, Daniel Neuenschwander occupera l’un des postes à hautes responsabilités au sein de l’agence. L’ESA est en effet en train de développer de nouveaux lanceurs, pour se positionner dans un marché en pleine expansion
Pour le Temps, Daniel Neuenschwander explique ses priorités. «Premièrement, assurer la bonne opération des lanceurs européens actuels (Ariane-5 et Vega) de la base de Kourou, en Guyane, car le succès est le meilleur garant pour le futur». Deuxièmement, «faire aboutir le développement des futurs lanceurs Ariane-6 et Vega-C dans le budget et le calendrier prévu». En l’occurence, l’ESA a lancé le plus important programme de développement de son histoire de l’Agence: «Plus de 4 milliards y sont consacrés au total, dont 3,4 pour la seule Ariane-6, en tenant compte du fait que les boosters des deux engins leurs seront communs». Quant au calendrier, il prévoit un vol de qualification du gros lanceur pour 2020, et 2018 pour Vega-C.
Enfin, dernière priorité évoquée par le futur responsable: «Disposer d’une palette de technologies pour préparer l’avenir au-delà des développement actuels.» Et le Fribourgeois d’évoquer entre autres des techniques d’impression en 3D de certaines pièces ou des projets de récupérations et réutilisation de certains éléments de fusées (comme la coiffe, que fabrique l’entreprise suisse RUAG). «Il s’agira de maîtriser et intégrer ces technologies dans la suite de nos projets».
Une décision claire des ministres des Etats
Présent à Baïkonour (Kazakhstan) pour le lancement de la sonde martienne russo-européenne ExoMars, le directeur général de l’ESA Jan Wörner a souligné au Temps que l’«Europe a décidé, par une décision claire des ministres des Etats membres, que notre continent de disposer d’un accès autonome à l’espace, et que cette capacité avait une valeur certaine. Nous développons donc une famille de nouveaux lanceurs – Ariane 64 et 62, deux versions d’Ariane-6 qui succéderont à Ariane-5, ainsi que Vega-C, découlant de l’actuelle Vega – qui seront abordables au plan économique et compétitifs.»
Dans ce secteur des lanceurs, l’Europe n’est évidemment pas seule. Comme les autres anciens acteurs étatiques (américains ou russes par exemple), l’ESA et Arianespace, la société qui exploite les lanceurs européens, doivent faire face à de nouveaux concurrents privés, dont la firme américaine SpaceX, qui elle aussi mise complètement sur des lanceurs en partie récupérables, de manière à faire baisser les coûts.
«A l’horizon 2020, il y aura plusieurs systèmes de lancement compétitifs, reconnaît Daniel Neuenschwander. La concurrence va augmenter de manière significative. D’autant que le volume du marché des lanceurs croît également. Il faudra rester vigilant et réactif.»
Selon un communiqué du SEFRI, la nomination du Fribourgeois «renforce la présence de la Suisse dans une organisation internationale importante», l’ESA, dont la Suisse assume avec succès la co-présidence du Conseil, avec le Luxembourg, et ce encore jusqu’à la prochaine conférence ministérielle, qui se tiendra en décembre 2016 à Lucerne.