Le postulat d’Einstein sur les ondes gravitationnelles confirmé. La découverte est révolutionnaire, elle ouvre un domaine de recherche qu’il n’avait été possible que de rêver jusqu’à aujourd’hui
«Si les faits ne correspondent pas à la théorie, changez les faits!» aurait-il dit. Quelle espièglerie de la part d’Einstein, l’un des physiciens les plus géniaux de tous les temps. Depuis qu’il a postulé il y a un siècle, dans sa théorie de la relativité générale, l’existence des ondes gravitationnelles, les faits lui donnaient tort: aucun scientifique, aucune expérience n’était parvenu à observer ces infimes ondulations de l’espace-temps. Jusqu’à mi-septembre 2015, et la relance de l’immense interféromètre LIGO, l’une de ces grosses machines dites de «Big Science» dédiée à la recherche fondamentale en physique. Aujourd’hui, les faits correspondent à la théorie!
La découverte a une portée fantastique puisque, en plus de solidifier les acquis décrits par Einstein, elle permet d’ouvrir un nouveau champ d’exploration quasi fantasmagorique, lui, celui de l’étude des trous noirs, de tous les objets cosmiques invisibles jusque-là, du cœur des étoiles, et de traquer jusqu’aux premiers soubresauts du Big Bang. Voire davantage, puisque cette avancée guide mieux les physiciens sur la piste de leur objectif ultime, la «théorie du tout», soit l’unification des deux grandes théories de leur domaine, la relativité générale et la mécanique quantique.
Après un siècle d’embarras, ce jalon désormais posé dans l’histoire de la physique est donc le fruit d’une intarissable persévérance de la part des scientifiques d’aujourd’hui, qui œuvrent plus que jamais en communauté; un trait que n’aurait d’ailleurs pas renié Einstein, lui qui disait ne «pas être tellement plus intelligent», mais «seulement se concentrer sur les problèmes plus longtemps».
Cette ténacité est nourrie par cette volonté viscérale de l’homme – un invariant dans l’espèce humaine – de comprendre l’environnement dans lequel il grandit et vit, de savoir comment s’est façonné l’Univers, de remonter aux origines. Une quête sans fin, fondée sur la curiosité pure et la créativité, qui non seulement imprègne ensuite les domaines intellectuels de son époque (culturel, philosophique, théologique, politique), mais peut aussi donner naissance à des applications concrètes et utiles dont personne n’avait pu soupçonner l’existence.
La recherche fondamentale, vue comme un impératif moral, qui plus est en cosmologie, a ceci de vertueux qu’elle permet de susciter la fascination, de donner à penser, de cultiver nos aspirations les plus profondes, et surtout de léguer un héritage de connaissances aux générations futures, sur la base duquel celles-ci jaugeront nos civilisations, comme nous le faisons aujourd’hui avec, par exemple, les artistes de la Renaissance. En ce sens, elle n’a pas de prix.