Sur le terrain industriel, on découvre deux fours, à chaque fois avec une série de miroirs plans et ronds faisant converger les rayons solaires vers un creuset, dans lequel sont introduits les déchets métalliques issus de l’usinage – de montres, d’implants médicaux ou dentaires, ou d’autres objets produits par les entreprises microtechniques de la région.
La convergence des rayons solaires fait très rapidement monter la température du four jusqu’à 2000°C. En une à deux heures, le métal introduit peut être transformé en un lingot brut et réutilisable. Et cela sans aucune émission de CO2.
Il y a actuellement 54 fours solaires dans le monde, mais celui inauguré le vendredi 3 octobre est unique, selon Raphaël Broye, directeur de Panatere. « Nous ce qu’on veut, c’est traiter les déchets métalliques des entreprises locales, de le faire en circuit court, et de la façon la plus durable possible. Et ça, c’est vraiment la nouveauté mondiale! » a-t-il expliqué vendredi dans le 19h30 de la RTS.
« Alliance parfaite »
Des entreprises sont séduites par ce procédé qui divise par 165 l’empreinte climatique des métaux produits, comme s’enthousiasme Jérôme Biard, directeur de la manufacture de montres de luxe Roventa-Henex SA. « Je suis assez bluffé. C’est quelque chose qui est clairement dans l’air du temps. Je pense que cela va plaire à beaucoup de nos clients ».
Et même si les quantités recyclées restent modestes – quelques dizaines de tonnes par an avec ces deux premiers démonstrateurs – en regard des 140’000 tonnes d’acier importées chaque année en Suisse, dont 15’800 pour l’horlogerie et 6500 pour le secteur médical, l’intérêt est là. « Pour le canton de Neuchâtel, ce projet représente une alliance parfaite entre la recherche solaire et une industrie microtechnique qui cherche à rendre ses filières d’approvisionnement d’autant plus durable », déclare à la RTS le Cconseiller d’Etat neuchâtelois Laurent Favre.
Du côté de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), on souligne également l’attrait du projet. « Du point de vue écologique, ce projet est novateur », souligne Marlene Glauser, collaboratrice scientifique. Il contribue à l’économie circulaire en Suisse, et il réduit les émissions de CO2. L’OFEV soutient d’ailleurs l’initiative à hauteur de 800’000 francs, dans le cadre du Programme de promotion des technologies environnementales.
50 mètres de haut
Un montant qui permet à la start-up jurassienne de voir grand et plus loin, jusque dans les Pyrénées. L’équipe de recherche et développement de Panatere s’est en effet installée à Font-Romeu-Odeillo, à 10km de la frontière espagnole, où a été érigé en 1969 le plus grand et plus puissant four solaire au monde.
« Ici, on teste notre réacteur de troisième génération, aussi avec des pellets d’acier inoxydable issus de l’horlogerie », explique le responsable R&D Loïc Bonsack. « C’est un réacteur qui est plus grand que celui de La Chaux-de-Fonds. On travaille sous atmosphère protectrice. Cela nous permet de faire un acier de meilleure qualité », poursuit-il.
Avec les 63 héliostats plans et l’immense miroir concave de cette installation géante de 50 mètres de haut et 60 mètres de large, une puissance équivalente à celle de 10’000 Soleil peut être concentrée sur une surface d’un mètre carré. De quoi atteindre en un clin d’œil les 3000°C au cœur du foyer! « A la fin de la fusion solaire, on récupère dans ce cylindre, du métal fondu, qui est coulé dans des moules cylindriques, ce qui nous permet de faire un lingot d’acier 80 kg », explique Loïc Bonsack.
Industrialisation du processus
Une méthode, développée dans le cadre d’un projet franco-suisse Interreg, avec la collaboration du Centre national français de recherches scientifiques (CNRS), et de l’EPFL, qui n’est pas sans défi.
A terme, l’entreprise basée à Saignelégier veut même industrialiser le processus. « Notre objectif est de construire, en Suisse, à La Chaux-de-Fonds ou à Sierre, une usine d’une taille à peu près deux fois moins grande que le four solaire d’Odeillo, mais qui serait 100% autarcique en énergie, et qui produira environ 1000 tonnes d’acier recyclé par an », indique Loïc Bonsack.
Un projet à 65 millions de francs qui pourrait voir le jour en 2028, si les oppositions à la construction sont levées. Des emplois locaux devraient être créés, conclut le directeur, qui se félicite du soutien des cantons de Neuchâtel, du Jura et de Berne, des SIG, de la Fondation suisse pour le climat et de Energy Lab.