Miser 1 milliard d’euros sur des technologies émergentes n’est pas une décision aisée. D’autant moins quand c’est la Commission européenne qui doit la prendre
Miser 1 milliard d’euros sur des technologies émergentes n’est pas une décision aisée. D’autant moins quand c’est la Commission européenne qui doit la prendre. Ses experts auraient donc retenu deux projets qui doivent permettre à l’Europe scientifique de rester compétitive. Un choix qui, à terme, permettra aussi à l’UE d’évaluer la pertinence de ce nouvel instrument pharaonique de soutien à la science, tant les deux visions sont différentes.
D’un côté, l’UE encourage les travaux sur le graphène. Même si toutes ses propriétés et potentialités sont en cours d’évaluation, ce matériau prometteur est appelé à révolutionner les mondes de l’électronique, l’aviation, l’énergie. La découverte fondamentale acquise, ne «restent» que les développements technologiques à accomplir et la production de masse à imaginer. La voie est tracée, l’horizon dégagé, bref, les risques d’échec sont minimes.
A l’opposé, une initiative aussi fantasmagorique qu’ambitieuse: simuler, avec des ordinateurs, le fonctionnement du cerveau! Un projet à la jonction de divers champs des neurosciences, qui pourrait ouvrir des portes dont on ignorerait encore l’existence. Une entreprise empirique dont les objectifs intermédiaires pourraient être redéfinis au fil du chemin, lui-même très sinueux. Mais qui pourrait aussi complètement chambouler le domaine. Un pari autrement plus osé.
Ce pari, c’est celui relevé par le «Human Brain Project» (HBP), basé à l’EPFL. Aux promesses inconsidérées des premières présentations du projet – «D’ici dix ans, nous guérirons les malades d’Alzheimer» – a succédé une communication plus mesurée dans ses ambitions, mais subtile et ubiquitaire; les têtes du HBP et de l’EPFL n’ont perdu aucune occasion de glisser qu’un changement de paradigme est impératif en neurosciences, et que le HBP va le permettre. Et ils ont peut-être convaincu l’UE en annonçant la construction d’un bâtiment dédié, Neuropolis, sur le campus lausannois. Avec, au final, un succès qui fait briller toute la place scientifique suisse.
Le jackpot est donc là, à portée de pipettes de laboratoire et de clics de souris. La tâche est immense. Trop? Une décennie semble de toute manière trop peu pour conclure. Mais doit au moins suffire aux chercheurs du HBP pour montrer qu’en sciences – contrairement au casino, où le hasard prévaut –, il peut être noble de prendre de gros risques.