Comme nombre d’avancées scientifiques, la médecine génétique «personnalisée» véhicule son lot de promesses: des soins ciblés en fonction du génome de chacun. Or, trois défis se posent.
La confiance, d’abord. Fin 2013, la société américaine 23andMe, qui commercialisait un test génétique sommaire quantifiant le risque de certaines maladies, s’est vu interdire de continuer à le faire. Motif: des lacunes dans le bien-fondé scientifique de la démarche. Cette entreprise étant liée à Google, elle a vite été soupçonnée d’établir une base de données génétiques de ses clients à leur insu. Ce genre d’affaire risque de discréditer la médecine personnalisée dans son ensemble.
Le second défi, éthique, est justement celui du caractère prédictif de ces tests génétiques, dont la pertinence reste à déterminer (sauf dans quelques cas précis), et de leur utilité réelle pour le patient aujourd’hui: celui-ci doit-il pouvoir inclure ce pourcentage de risque flou dans son plan de vie? Le peut-il sur la base des informations souvent lacunaires qu’il reçoit? Là, la curiosité, la crainte ou le besoin de somatiser le disputent à la raison.
Enfin, il s’agira de veiller à ce que les investissements publics dans la coûteuse médecine personnalisée, appuyés par l’industrie pharmaceutique, ne se fassent pas au détriment des vastes actions de santé publique qui, historiquement, ont contribué à allonger l’espérance de vie, telles les campagnes de vaccination. Dans son récent ouvrage, l’éthicienne anglaise Donna Dickenson rappelle d’ailleurs à quel point la vision originelle de la biomédecine génétique, figurée en 2003 par le projet Génome humain qui devait bénéficier à l’humanité tout entière, a glissé vers ce nouveau dogme de la médecine individualisée.
Il y a fort à parier que celle-ci puisse, tôt ou tard, offrir des possibilités d’améliorer la mesure des risques, les diagnostics, les thérapies. Mais ce changement de paradigme n’a pas encore eu lieu. Il est sage d’attendre que la recherche fondamentale étaye largement l’avènement d’une médecine basée sur les évidences, et non sur des expertises pour l’heure partielles ou inabouties. Ce, afin d’éviter les dérives, de permettre aux médecins généralistes de se former et de déterminer le cadre socio-économique dans lequel chacun profitera de la révolution.