L’analyse de Jérôme Grosse, porte-parole de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, suite à l’annonce de l’UE de menacer l’accord de participation de la Suisse au programme européen Horizon 2020 et aux impacts sur le titanesque projet Humain Brain, basé à l’EPFL
Jérôme Grosse: Les 30 premiers mois de financement du HBP, inclus dans le 7e programme-cadre européen de la recherche qui s’achève, sont assurés. De même que le financement suisse – 75 millions de francs sur quatre ans; et tous les signaux sont plutôt positifs pour dire que la Suisse continuera à soutenir le projet. Son avenir scientifique n’est pas menacé. Pour ce qui est de l’UE, la suite du financement dépend du 8e programme-cadre Horizon 2020, au sujet duquel l’accord de participation de la Suisse menace d’être suspendu. Mais l’UE n’a aucune raison de revoir le financement en 2016, puisque l’essentiel des fonds repart vers les partenaires européens du projet.
– Si l’UE et la Suisse ne signent pas l’accord de participation de celle-ci à Horizon 2020, la direction du HBP pourra-t-elle rester à l’EPFL?
– Tout ce projet est l’Å“uvre d’Henry Markram, un poids lourd dans les neurosciences et le porteur incontournable du consortium européen HBP. Et le projet a été choisi sur la base de critères scientifiques scrupuleusement évalués. Des informations récentes nous font penser que la direction scientifique n’aura pas à être délocalisée. Henry Markram et ses chercheurs sont par ailleurs bien ancrés dans l’écosystème suisse et veulent rester à l’EPFL. Enfin, nos partenaires européens du projet nous ont confirmé l’importance que la direction scientifique du HBP demeure en Suisse. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, nous devons maintenir notre effort pour rester dans le programme Horizon 2020.
– Il n’est pas exclu que la direction administrative du projet doive être déplacée dans un pays de l’UE?
– Trop tôt pour le dire. Ce serait aux acteurs européens et suisses de trouver une solution qui ne nuise pas à l’efficacité du projet.
– D’autres pans de l’accord sur la recherche vous inquiètent plus?
– Oui, tels ceux qui concernent l’accès aux bourses européennes (ERC Grants, bourse Marie-Curie pour les femmes, etc.) ou la participation aux projets scientifiques, mais aussi industriels. Car la Suisse récupérait jusque-là une fois et demie sa «mise» dans le pot commun européen. Or les sociétés de technologie suisses profitaient aussi de ces «gains en retour» excédentaires… Ce sont ces gains de compétitivité que la Suisse risquerait de ne pas retrouver – elle récupérera alors au mieux sa mise. De plus, les professeurs suisses pourraient ne plus pouvoir diriger ces projets européens; certains me demandent déjà s’il vaut encore la peine de candidater. La réponse est oui. Car pour l’heure, nous partons toujours et encore du principe que la Suisse trouvera un chemin pour entrer dans le programme européen Horizon 2020.