L’entreprise israélienne PicScout est un pionnier de lutte contre le vol d’image sur Internet
«Nous sommes la 4e compagnie high-tech avec la plus forte croissance en Israël», lance-t-il fièrement en trempant son pain pita dans le houmous qu’on vient de nous servir sur cette terrasse de Herzliya. Avec ses palmiers et la mer à deux pas, cette bourgade du nord de Tel-Aviv grouille, sur le coup de midi, de jeunes entrepreneurs comme Offir Gutelzon. Beaucoup sont actifs dans les technologies de l’information, faisant d’Israël l’une des nouvelles références mondiales. La région est d’ailleurs surnommée Silicon Wadi (Wadi signifie «vallée» en arabe), en référence à sa pendante californienne.
Son idée, Offir Gutelzon l’a eu avec un ami dont la femme se plaignait du vol de ses images sur Internet. Les deux compères fondent PicScout en 2002 et développent un algorithme mathématique permettant de comparer deux copies d’une image digitale, même si l’une a été modifiée, décolorée, recadrée, distendue. «Nous sommes en train de le breveter, je ne peux pas vous en dire plus sur son fonctionnement exact…» Tout au plus apprendra-t-on que ce programme sélectionne des distances entre différents points clés du cliché et lui attribue une «empreinte digitale» unique.
Sur cette base, les deux ingénieurs élaborent le logiciel ImageTracker, qui cherche sur la Toile les copies de toute image numérique. «D’après nos estimations, 85% des images utilisées sur le Web le sont frauduleusement», dit Offir Gutelzon. Le marché des droits photographiques est estimé à 2 milliards de dollars, «mais il pourrait se monter à 8 fois plus si l’utilisation de chaque image protégée était rétribuée…»
Taux de fraude stable
Comment en tirer profit? Le logiciel est mis gratuitement au service des agences photos. PicScout, qui compte les agences Getty, Corbis et Masterfile parmi ses plus gros clients, détecte sur les sites web commerciaux les copies des clichés que ces dernières lui auront fournies, la plupart découlant d’une utilisation frauduleuse. Dans un tiers des cas, les agences décident d’engager des poursuites contre les «voleurs d’images». De l’argent qu’elles récupèrent ainsi – «100 millions de dollars, grâce à nous, ces cinq dernières années», indique Dana Harel, responsable des finances – PicScout touche 30%. «Nous engrangeons entre 5 et 10 millions de dollars par an par ce biais», résume Offir Gutelzon. Et pourtant, ce n’est pas dans ce fonctionnement que l’ingénieur voit le plus gros potentiel de croissance. «Il est parfois lourd pour les agences de poursuivre les fraudeurs; elles doivent cibler leur combat, dit-il. Et malgré la traque, le taux de fraude n’a pas baissé depuis huit ans.» Sans oublier que PicScout, même s’il affirme détenir 80% (?) des parts de marché, voit surgir sans cesse de nouveaux concurrents. D’où l’avènement d’ImageExchange.
La solution en deux clics
Ce deuxième logiciel, lancé à fin 2009, est installable sur tout ordinateur. Lors d’une recherche sur Internet, sur Google Images par exemple, il indique automatiquement quelles images sont protégées par un copyright. Ceci en comparant les clichés trouvés avec ceux figurant dans une base de données que l’équipe de PicScout ne cesse d’alimenter avec les images dûment indexées, fournies par ses partenaires, agences de presse et photographes. Cet immense répertoire contient pour l’heure 50 millions d’images – c’est le plus grand au monde, selon le CEO de PicScout –, et l’entreprise ambitionne d’atteindre le double d’ici peu.
«L’idée est simple, poursuit Offir Gutelzon. Les gens ne souhaitent pas vraiment violer la loi sur le copyright. Quarante pour cent des fraudeurs contactés préfèrent payer immédiatement plutôt qu’aller en justice. Par contre, ils ne veulent pas non plus connaître cette loi en détail. Ce que nous leur proposons, c’est, en deux «clics», de savoir qui possède l’image trouvée sur le Web, et où se la procurer légalement.» A chacun de ces passages sur ces liens internet d’affiliation, PicScout reçoit alors un micropaiement du propriétaire de l’image – entre 5 cents et 1 dollar, en fonction de son importance. «Notre ambition est que chaque image ait son crédit, assure Offir Gutelzon. Les utilisations d’images numériques vont exploser en nombre, grâce aux nouveaux supports. Et le prix des clichés va baisser. Nous croyons donc fermement qu’il est plus profitable de promouvoir leur exploitation légale.»
Avec ses 60 employés et une antenne en Californie, la petite société privée, dont le chiffre d’affaire croît de 10% chaque année, n’est par ailleurs pas en manque d’idées nouvelles. Une seule? «Développer des applications de reconnaissance graphique pour téléphone portable. En prenant en photo l’étiquette d’une bonne bouteille de vin au restaurant, il serait possible de savoir aussitôt où l’acheter», conclut Offir Gutelzon, en levant son verre.