Trapu et bourru? Au contraire! Des chercheurs suisses et américains montrent que l’homme de Néandertal avait une posture et une anatomie largement semblables à celle de l’homme moderne. Ils ont réalisé une reconstitution virtuelle de la colonne vertébrale à partir d’un squelette bien conservé.
Pourquoi c’est important? Cette étude enfonce un peu plus le clou dans le cercueil des théories donnant l’image d’un Néandertal plus simiesque qu’humain. Plusieurs indications attestent de très fortes similarités (génétique, comportementales voire culturelles) entre Homo sapiens et Homo neandertalensis, espèce disparue qui a vécu en Europe, au Moyen-Orient et en Asie jusqu’à 30 000 avant aujourd’hui.
Des travaux plus récents avaient toutefois remis au goût du jour l’idée de différences notoires, indiquant par exemple une forme incomplètement développée de vertèbres par rapport à celles de l’être humain.
Qu’on trouvé les chercheurs? Les scientifiques des Université de Zurich et Saint-Louis (Etats-Unis) ont étudié le squelette quasi complet d’un H. neandertalensis découvert en 1908 à La Chapelle-aux-Saints (France) et daté de -45 000 ans, et plus particulièrement la position et l’orientation de son bassin et de sa colonne vertébrale. « Dans l’ensemble, il n’y a presque rien qui indique une anatomie fondamentalement différente, souligne Martin Häusler dans un communiqué de l’Université de Zurich. Il est donc plus que temps de reconnaître la proximité naturelle fondamentale des H.sapiens et des H.neandertalensis, et de s’attarder maintenant sur les subtiles différences dans la biologie et les comportements des deux espèces.»
Comment le présentait-on jadis? Ce sont deux abbés, Amédée et Jean Bouyssonie, et leur frère Paul, qui exhument le fossile du Néandertal en question. «Les ossements sont envoyés au Muséum de Paris sous la responsabilité de Marcelin Boule, LE paléoanthropologue français de l’époque, détaille le site www.hominides.com. Le scientifique fait une étude et une reconstitution publiées entre 1911 et 1913 qui seront la référence pendant plus de 50 ans. Influencé par son époque qui cherchait à bien différencier l’homme des autres primates, Boule reconstruit un homme de Néandertal plus proche du dégénéré que de l’homme: genoux arc-boutés, tête projetée à l’avant du corps, posture animale… L’aspect de l’homme ainsi reconstitué est primitif, voire bestial.»
Pourquoi et comment l’image a changé? Après l’entre-deux-guerre expliquait Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, dans un interview à l’auteur de cet article, « l’intérêt pour la préhistoire revient, avec l’avènement de la théorie synthétique de l’évolution, ou «néodarwinisme»: on se dit que Darwin avait peut-être raison, que les origines de l’homme sont en Afrique, ceci grâce à diverses découvertes faites là-bas. Mais on rechignait à accepter que Neandertal puisse être notre ancêtre. Jusque dans les années 1980. Dans des tombes au Proche-Orient, on retrouve des néandertaliens sur un lit de fleurs, avec des offrandes.»
C’est l’une des premières découvertes majeures qui changeront l’image qu’on a aujourd’hui de l’homme de Néandertal. En voici d’autres:
- Dans les années 1980, on met au jour les reste d’un adulte handicapé, dont le groupe aurait pris soin, signe fort de la culture d’une vie communautaire.
- On découvre que les Néandertaliens inhumaient leurs morts , «ce qui montre qu’il y avait chez lui déjà une construction du monde très puissante», explique Pascal Picq.
- Ils utilisant des colorants pour modifier leur apparence.
- Après analyse génétique, la disparité inter-espèce semble n’être que de quelques milliers de gènes, soit autant qu’entre deux H.sapiens choisis de manière aléatoire; les différences s’affichent par contre davantage sur le plan phénotypique (l’expression des gènes).
- En 2016, une étude montre que H.neadertalensis possède certains des mêmes variants génétiques caractéristiques des sprinters d’aujourd’hui; sa corpulence musclée pourrait donc plus être expliquée par son mode de vie (la chasse intelligence dans les forêts) plutôt que par la nécessité de survivre dans la froide toundra.
- En 2017, une étude montre que la croissance des deux hominidés est similaire, alors qu’on a longtemps cru que seul H.sapiens grandissait lentement.
Pourquoi ont-ils disparus? Les explications restent incomplètes à ce stade. Mais l’hypothèse d’une fragmentation des populations des H.neandertalensis, accentuée par une meilleure adaptation à son milieu et donc une plus grande expansion des hommes de Cro-Magnon, contemporains à Néandertal et nos ancêtres, tient la corde.
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