Parvenir, à l’aide de capsules inédites, à délivrer dans l’intestin humain des produits thérapeutiques vivants, tels des bactéries bénéfiques: c’est l’objectif de Lonza, qui s’allie pour ce faire avec l’entreprise danoise Chr.Hansen, spécialiste comme elle de l’industrie pharmacologique.
Quel est l’enjeu? Le microbiome fait l’objet de recherches accrues depuis plusieurs années, tant il détermine notre santé physique, voire mentale. L’altérer de façon positive reste toutefois un défi, notamment de manière contrôlée. La solution de la nouvelle coentreprise pourrait y contribuer.
Le microbiome, c’est quoi? On nomme ainsi l’ensemble des bactéries présentes sur et dans notre corps. Dans l’intestin, elles seraient des centaines de milliards.
- L’ensemble a un poids total d’environ 2kg!
- Quelque 10000 espèces de bactéries ont été identifiées.
- L’état du microbiome serait directement lié à notre état de santé: extraction d’énergie de la nourriture, production de vitamines, régulation du système immunitaire, protection contre les bactéries nocives.
- Le microbiome – on le sait depuis peu – influencerait certaines affections mentales.
- Plus de 6000 articles scientifiques ont été publiés sur le sujet lors de ces six dernières années.
L’idée? Modifier la constitution d’un microbiome en y apportant des bactéries vivantes régénératrices, de manière à traiter certaines affections, voire simplement restaurer un bon état de santé général. Une solution testée depuis quelques années est la transplantation de matière fécale d’un individu à l’autre, directement dans l’intestin du donneur par voie de tubes gastro-intestinaux; une méthode compliquée à mettre en œuvre. D’où l’utilisation souhaitée de capsules polymériques ingérables.
Quels sont les défis? Il y en a trois principalement, explique Hassan Benameur, expert chez Lonza:
- Produire une substance biothérapeutique de manière totalement anaérobique, autrement dit sans contact avec l’oxygène: c’est en effet ainsi que vivent les bactéries gastro-intestinales, qui meurent si elles sont à l’air libre.
- L’insérer dans des capsules digestibles capables d’acheminer ces bactéries jusqu’à l’endroit souhaité.
- S’assurer que ces capsules polymériques soient assez robustes pour survivre à l’acidité de l’estomac, puis diffusent ou relâchent leur contenu dans l’intestin du patient.
Dans ce projet commun, Chr.Hansen apporte son savoir-faire dans le développement, la mise à l’échelle et la fabrication de souches bactériennes spécifiques et Lonza ses capacités dans les technologies de formulation et d’administration de médicaments. “Notre objectif est d’aider nos clients”, qui vont acheter ces capsules pour développer leurs produits thérapeutiques, “à pouvoir atteindre plus rapidement leurs patients”, assure Marc Funk, CEO de Lonza.
L’avis de l’expert? Le décryptage de Jacques Schrenzel, professeur de génomique aux Hôpitaux universitaires de Genève :
“Le principe de la double encapsulation polymérique d’une substance biothérapeutique n’est pas nouveau. Par contre, si cette nouvelle coentreprise parvient à mettre sur pied une production industrielle de tels produits, qui étaient bricolés en laboratoire, ceci tout en maintenant un contrôle de qualité tout au long du processus, l’avancée est certaine.”
Quel est le contexte mondial? Le futur marché des substances biothérapeutiques vivantes, en plein expansion, est immense.
- 60 projets sont en phase précliniques.
- 20 en essai de phase I (tests d’innocuité du produit).
- 11 en phase II (tests d’efficacité du produit).
- 5 en phase III (test d’application à grande échelle).
Selon Marc Funk, qui ne voit aucun concurrent direct à la coentreprise qu’il a créée, le marché mondial potentiel pour fournir en capsules les essais cliniques jusqu’en phase II est estimé à 150-200 millions d’euros d’ici 2025. Celui de l’approvisionnement clinique et commercial avec ces produits pourrait ensuite être, lui, de plus d’un milliard d’euros d’ici 2035.
Financièrement, cela se traduit comment? L’investissement total des deux entreprises se monte à 100 millions de francs suisses sur trois ans. Dans un premier temps, quelque 50 personnes seront réparties entre Bâle et Copenhague pour travailler pour la “joint-venture”, dont 40 employés seront engagés, selon Marc Funk. L’entreprise commune modernisera les installations existantes à Hørsholm, au Danemark, et en équipera de nouvelles à Bâle. À terme, la coentreprise prévoit d’employer 120 personnes.