Le tour du globe a touché à sa fin. L’avion solaire a atterri à Abu Dhabi dans la nuit, rappelant que l’utilisation de technologies propres dans le domaine énergétique n’est pas un leurre. Notre éditorial
«Faire le tour du monde n’a pas de fin. Ce n’est que le début!» Depuis le temps – dix-sept ans – les responsables du projet suisse de tour du monde en avion solaire – et Bertrand Piccard en particulier – sont passés maîtres de la formule, pour diffuser leur message de promotion des énergies renouvelables. Une vaste entreprise de communication qui, alors que cette circumnavigation s’est achevée mardi avec succès, polarise l’attention.
Elle convainc beaucoup, suscitant une avalanche de félicitations et d’encouragements; elle lasse voire agace bien d’autres, qui affichent leur indifférence, leur perplexité et émettent des critiques, remettant en question les dispositifs logistiques peu écologiques déployés autour du monde pour accompagner l’aéroplane ou insistant sur la piètre démonstration faite: par son immense taille, sa lenteur, sa fragilité, son coût, l’avion solaire est-il vraiment le plus pertinent ambassadeur pour les énergies renouvelables? «Notre but n’est pas de transporter un pilote, mais de démontrer ce qui est possible avec les énergies renouvelables dans la vie quotidienne, a toujours rétorqué l’intéressé. Il faut comparer notre avion aux quantités d’énergie qui seront économisées grâce au message véhiculé.»
Hormis ces avis, il s’agit de laisser trois mérites aux deux aventuriers. Le premier est non seulement de n’avoir pas cessé de rêver, mais d’avoir en plus réussi à vendre ce rêve à hauteur de 170 millions de francs, glanés auprès de fonds privés. Le second triomphe est de l’avoir concrétisé, par la construction d’un aéroplane inédit, autonome à l’infini, démontrant qu’il est encore possible d’innover dans le domaine de l’aviation; le secteur des drones stratosphériques solaires et celui des avions à propulsion électrique, en plein essor, trouveront certainement en Solar Impulse quelques références.
Le troisième succès est justement, à travers cette aventure exceptionnelle, de n’avoir jamais cessé de rappeler que l’utilisation de technologies propres dans le domaine énergétique est une nécessité pour l’avenir de la planète. Par leur insistance, André Borschberg et Bertrand Piccard ont obtenu l’oreille de certains hauts politiciens et cadors de l’économie. Au-delà du projet et de son succès, de ses pères, de leur façon d’en parler, ce message soulève peu de débats. Il est, en fait, plus crucial et impérieux que jamais! C’est désormais à ces mêmes décideurs, qui ont profité de l’immense visibilité médiatique du projet, de concrétiser cette vision d’un monde plus durable à laquelle ils disent adhérer, et de montrer qu’elle n’a pas servi qu’à porter un avion.