L’espace ne fait plus rêver, tant le souci de garantir la sécurité pour y emmener l’homme prime sur les travaux qu’il peut y mener. Mais l’intérêt pour l’exploration du système solaire subsiste. La NASA, en association avec les autres agences spatiales, a toutes les cartes en main pour repenser le rêve
Voir sur place s’envoler la navette spatiale reste, pour ceux qui ont eu cette opportunité, une expérience multisensorielle fascinante. «Il ne faut pas s’étonner si le décollage est repoussé [ce qui fut très souvent le cas], analysait récemment à juste titre un vieux collègue journaliste. Il faut se dire que c’est un miracle quand il a lieu, tant l’engin est complexe.» Trop complexe, même, et beaucoup trop onéreux à entretenir. A tel point que George W. Bush a décidé en 2004 déjà d’abandonner ce vaisseau trentenaire. A quel profit? Le programme Constellation, qui prévoyait de développer un nouveau lanceur lourd, vendu comme une révolution, pour reconquérir la Lune, puis Mars, d’ici à 2030.
«Aussitôt qu’on nous montre quelque chose d’ancien dans une innovation, nous sommes apaisés», a philosophé Nietzsche. Le président américain pensait ainsi amadouer les esprits en présentant des engins vite qualifiés d’«Apollo on steroids», soit des fusées similaires à celles des années 1960 qu’il suffisait de «doper» avec les moyens techniques actuels. Rassurer en misant sur une technologie éprouvée, tout en avalant une très large part du gâteau budgétaire spatial.
Mais la Guerre froide est terminée. La religion du progrès inculquée dans l’émulation de la course à la Lune a perdu ses foules d’adorateurs. L’espace – ou plutôt la présence accrue et routinière de l’homme dans l’espace – ne fait plus rêver, tant le souci de garantir la sécurité pour l’y emmener prime sur les travaux qu’il peut y mener. Il est donc sensé, pour explorer le système solaire, de privilégier aujourd’hui les sondes robotisées, moins coûteuses mais scientifiquement plus prolixes.
Vu la manière dont l’Homme exploite à outrance la Terre, prévoir de visiter, voire de s’installer un jour sur un autre corps céleste reste toutefois une réflexion légitime. Or, pour espérer atteindre cet objectif révolutionnaire, la NASA doit développer, dans une collaboration inéluctable avec les autres agences spatiales, des technologies vraiment révolutionnaires. Ressortir des tiroirs les idées fécondes de moyens de propulsion ingénieux qui y avaient été enfouis sous le poids du plan Constellation, abandonné depuis. Oser la parenthèse fertile, certes au prix d’une remise en question du leadership. Il faut, techniquement, repenser le rêve.
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