«Etude choc». «L’étude qui change tout». Les gros titres ont défilé pour décrire l’étude qui prouverait la toxicité des OGM. Les éclats de cette «bombe» retombés, planent les relents d’un coup avant tout médiatique.
Les experts commencent à relever les lacunes statistiques et méthodologiques de ce travail publié dans Food and Chemical Toxicology (FCT), une revue dite «de référence». Mais l’est-elle? Cette publication possède un «facteur d’impact» de 2.99, un indice qui décrit le prestige, pour un chercheur, de publier dans tel ou tel magazine. Les plus renommés, tels Science ou Nature, qui publient nombre de travaux de référence, ont un facteur d’impact qui frôle 30! Celui de FCT n’est pas mauvais en soi. Mais si ces travaux sur les OGM étaient révolutionnaires et exempts de reproches, on peut se demander pourquoi leurs auteurs ne les ont pas soumis à l’une des meilleures revues? L’intérêt pour FCT est par contre évident: quoi qu’il arrive, son facteur d’impact va probablement grimper. Pour chaque revue, cet indice dépend en effet du nombre de fois que les articles qu’elle publie sont cités par d’autres chercheurs; pour sûr, cette étude sur les OGM va servir de référence à des milliers d’entre eux qui voudront vérifier ses résultats.
Ses auteurs n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai. Mais s’ils peinent à faire respecter leur science, ils connaissent bien les ressorts médiatiques. Pour une découverte présentée comme majeure, seule une petite conférence de presse a été organisée en catimini à Londres (et non à l’Université de Caen, qui héberge le chercheur) par une société de relations publiques, en présence d’une demi-douzaine de journalistes triés sur le volet. Un «scoop» a aussi été «vendu» au magazine Le Nouvel Observateur, et les résultats divulgués à certaines agences de presse. Le tout avec un embargo de publication au milieu de l’après-midi. De quoi laisser ensuite l’Internet faire son buzz. Pas assez de temps en revanche pour permettre aux journalistes de glaner l’avis d’experts neutres, qui de toute manière n’auront pas eu le temps de lire l’étude. Pire, ceux qui étaient présents à la conférence de presse ont dû signer une clause leur interdisant de soumettre, avant l’embargo, l’étude à d’autres scientifiques pour obtenir leur avis, comme le veut l’usage dans la profession.
L’auteur de ces résultats publie par ailleurs un livre sur ses expériences, à paraître la semaine prochaine. Et un documentaire, basé sur ce même livre, sort sous peu. Enfin, l’une des seules personnalités externes à l’étude à l’avoir commentée dans les médias, parce qu’elle en connaissait les résultats, a été la députée européenne française Corinne Lepage; elle aussi sort ce vendredi un brûlot anti-OGM.
On ne peut reprocher à ces personnes d’avoir mis sur pied, autour de cette étude, un «plan communication» digne de ceux des firmes agroalimentaires souvent décriées pour ce même genre de démarche. Il serait aussi faux de clouer d’emblée au pilori ceux qui estiment faire partie de ces fameux «lanceurs d’alerte». Ces derniers ne doivent toutefois être pris au sérieux que lorsqu’une condition déterminante est remplie: la méthodologie scientifique qui leur permet de faire telle ou telle assertion doit être considérée comme valide par leurs pairs, cela indépendamment des résultats obtenus et de leur interprétation qui, eux, peuvent faire l’objet de discussions. De plus en plus d’indications montrent que tel n’est pas le cas ici.
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