Le 30 juin a été déclaré «Asteroid Day», l’occasion d’expliquer aux Terriens comment se défendre contre ces bolides célestes
Dans le monde, la chute d’astéroïdes sur la Terre provoque 1200 morts par an, en moyenne! Cette dernière précision est cruciale car le nombre de décès directement imputables à des cailloux tombés du ciel durant ces derniers siècles est… nul – quoiqu’un tel accident, ayant fait un mort, aurait été relevé en Inde en février 2016, mais la véracité du cas est sujet à discussion. D’où vient alors ce chiffre? D’un calcul décrit par Alan Harris, de l’Institut de planétologie de Berlin dans la revue Science & Vie: celui d’une division entre le nombre de personnes vivant sur la planète et la fréquence de chute de ces bolides célestes, plus ou moins gros, et causant plus ou moins de dévastation. Ainsi, un astéroïde de 10 km de diamètre tel que celui qui a éliminé les dinosaures il y a 65 millions d’années éradiquerait la majorité de l’humanité, mais un tel événement n’a lieu que tous les 100 millions d’années. Bref, 1200 morts par an: une moyenne donc, toute théorique, et calculée sur une très longue durée.
En fait, «le risque d’être touché directement correspond à une personne dans le monde par décennie, soit une probabilité annuelle pour un individu de l’ordre de 1 sur 100 milliards», explique dans la même revue Mark Boslough, physicien des impacts nucléaires aux laboratoires américains Sandia. Un taux infime, mais suffisamment important pour avoir poussé un musicien aussi docteur en astrophysique (Brian May, guitariste du groupe Queen) et un réalisateur de film allemand (Grigorij Richters) à lancer l’Asteroid Day: un jour d’événements dans le monde entier dédié à sensibiliser le public à cette problématique, et que soutient dans une déclaration une centaine de scientifiques, investisseurs et astronomes. «L’une des menaces majeures sur la vie dans l’Univers est une haute probabilité d’impact d’un astéroïde sur des planètes habitées», souligne le célèbre astrophysicien Stephen Hawking.
Chaque année, cet Asteroid Day se tient le 30 juin, anniversaire d’un événement qui a marqué les mémoires: la chute, en 1908 à Tunguska (Sibérie), d’un astéroïde de 40 m de diamètre qui a relâché autant d’énergie qu’une bombe de 100 tonnes de TNT, de quoi dévaster plus de 2000 km2, la surface d’une métropole. Une catastrophe qui en rappelle une autre, plus récente: le 15 février 2013, le ciel russe de Tcheliabinsk a été fendu par un météorite de 17 à 20 m de diamètre, fonçant à 66 000 km/h. L’onde de choc de sa désintégration dans l’atmosphère, qui a libéré une énergie équivalente à 20-30 fois la bombe d’Hiroshima, a causé d’importants dégâts et fait près de 1500 blessés.
Depuis, diverses institutions ont mis les bouchées doubles pour relancer ou activer des services dédiés à ce champ de recherches: l’Agence spatiale américaine (NASA) a ouvert son Bureau de coordination pour la défense planétaire, sa pendante européenne (ESA) a son Bureau du programme de surveillance de l’espace, l’ONU a lancé un groupe de travail, et la Fondation américaine B612 s’active pour garder ce sujet bien en évidence sur l’agenda scientifico-médiatique.
«Le prochain astéroïde «tueur» sera du même type que celui de Tcheliabinsk, détaille Mark Boslough lors de la conférence de presse de l’Asteroid Day. Ce genre d’événement arrive environ une fois tous les cinquante ans. Le souci, c’est que cette population [des objets de dizaines de mètres] est mal connue et commence seulement à être cataloguée.» Et le spécialiste de mentionner le système d’observation Atlas de la NASA, mis en service en 2015. Ce dernier peut détecter des rocs de 100 m lorsqu’ils sont encore éloignés de 40 millions de km, et de 10 m à 4 millions de km (soit plus de dix fois la distance Terre-Lune); ce qui nous laisserait trois semaines, respectivement deux jours pour réagir… Et, en 2019, devrait entrer en service au Chili le Large Synoptic Survey Telescope, avec une acuité visuelle inégalée. De son côté, «l’ESA développe un télescope similaire, dont un prototype devrait être prêt l’an prochain», dit Detlef Koschny, chef du domaine. Cela sans même parler des projets de télescopes spatiaux ayant la même tâche.
Les astéroïdes plus gros, eux, sont pistés de près. Si un quart de ceux d’une taille allant de 150 à 1000 m de diamètre ont été repérés, «près de 90% des objets plus gros sont catalogués», assure Don Yeomans, le chef de la traque à la NASA – qui, pour son travail, a été nommé en 2013 parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par le Time Magazine. Selon l’agence américaine, la probabilité de collision d’un des milliers d’astéroïdes répertoriés, dont 13 500 croisent l’orbite de la Terre, serait seulement de 0,01% pour le siècle à venir.
Cette valeur n’étant pas nulle, moult scientifiques, dont ceux qui ont créé l’Asteroid Day, plaident pour le développement d’outils permettant de dévier la course d’astéroïdes trop menaçants. Par exemple en les tractant sur d’autres orbites, avec des voiles solaires – solution pour l’heure théorique. Ou – plus sérieusement – en les prenant pour cible. «Pour la première fois dans l’histoire, nous sommes à un niveau technologique tel qu’on peut détecter et réagir contre un astéroïde qui menacerait la Terre», se réjouit l’astronaute canadien Chris Hadfield, partenaire du projet.
«Cela fait quinze ans que l’ESA planche sur ce problème», dit Ian Carnelli, chef du projet Asteroid Impact Mission (AIM). Celui-ci, s’il est approuvé, consiste en l’envoi d’une sonde vers un système d’astéroïde double, nommé Didymos, qui se trouvera à «seulement» 11 millions de km de la Terre en mai 2022. L’engin européen scannerait, avec ses instruments d’imagerie visuelle, thermique et radar, la petite lune de 170 m baptisée Didymoon, qui tourne autour du corps principal de 800 m. Et ceci avant, pendant, et après qu’un autre engin, américain celui-là et appelé DART, viendrait frapper Didymoom à 6 km/seconde. Le but est de démontrer qu’un impact cynétique peut changer la course d’un astéroïde. Lancement prévu en 2020.
Au-delà des visées anti-catastrophe de cette mission, Patrick Michel, de l’Observatoire de la Côte d’Azur, y voit d’autres intérêts: «Les astéroïdes fascinent car ils sont les restes des briques de base de notre système solaire; en ce sens, les deux missions, japonaise (Hayabusa-2) et américaine (Osirix-Rex) qui doivent sous peu aller chercher et ramener des échantillons d’astéroïdes nous en apprendront beaucoup sur la formation des planètes. Par ailleurs, les astéroïdes suscitent aussi l’intérêt des industriels, en raison des mat ières premières qu’ i l s contiennent; même si leur exploitation n’aura lieu que d’ici à un siècle. Enfin, les astéroïdes pourraient être la première étape des voyages habités vers l’espace profond.» «Autant de raisons, conclut Brian May, pour trouver et étudier ces corps célestes avant qu’eux ne nous trouvent…»
En mai 2022, la mission européenne AIM, si elle est approuvée, observera l’engin américain DART heurter un astéroïde et le dévier de sa course. (ESA) 0,01% soit la probabilité de collision d’un des milliers d’astéroïdes répertoriés à ce jour avec la Terre durant le siècle à venir.
«Les astéroïdes sont les restes des briques de base de notre système solaire»
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