Dans le Haut-Valais, la catastrophe de la nuit du 29 au 30 juin 2024 est due à la combinaison de plusieurs facteurs, météorologiques mais aussi hydrologiques, sur le terrain. Une conjonction rare mais qui, dans ce cas, montre aussi les limites de l’endiguement des grands fleuves.
En quelques heures seulement, des trombes d’eau se sont abattues sur une région située entre le Haut-Valais et l’Ouest du Tessin, générant des torrents de boues, qui sont arrivées rapidement en plaine où elles ont fait déborder le Rhône en plusieurs endroits, inondant plusieurs zones commerciales et industrielles, et surtout causant un mort à Saas-Grund.
Cette situation extrême s’explique par le couplage de plusieurs éléments.
Dans le ciel d’abord avec, des masses d’air extrêmement instables, très chargées en humidité, et de soudaines baisses de pression en altitude, propices à générer des précipitations. Mais ce n’était pas tout, comme l’explique Aude Untersee, prévisionniste à MétéoSuisse: « La situation d’hier soir était un peu particulière dans le sens où on avait des orages organisés en ligne, qui ne faisaient que se réalimenter dans l’axe du vent, qui soufflait du Sud. Ce vent n’a fait que canaliser les orages contre le sud des Alpes, comme sur des rails, qui se sont accumulés très localement et ont donné des cumuls extrêmes. » En l’occurrence, jusqu’à 226 litres d’eau par mètres carré en une dizaine d’heures seulement, près du Binntal: ce n’est pas un record absolu, mais c’est énorme!
Des sols gorgés d’eau
Et au sol, la situation était également inhabituelle aussi, selon le géologue cantonal valaisan Raphaël Mayoraz: « On a une neige tardive qui font très rapidement. Et des terrains saturés depuis des mois et des mois », par les précipitations du printemps.
De quoi, au final, causer un effet d’entonnoir, dans un relief pentu, avec des ruisseaux qui viennent rapidement grossir le Rhône, le faisant déborder loin en aval, jusqu’à Martigny. Un débit d’environ 1000 m3/seconde a même été mesuré par endroit.
Tout cela – et c’est le dernier élément – malgré les digues du fleuve, qui ont la fonction d’être protectrices, mais ont auss leur revers, selon l’expert en aménagement des cours d’eau Jean-Pierre Jordan: « On a un Rhône qui est un peu suspendu dans la plaine, avec des hauteurs de digues qui peuvent atteindre trois à quatre mètres. Et lorsque le Rhône évacue les débits à plein bord, on a des hauteurs d’eau par rapport à la plaine qui sont très importantes. » Avec donc un risque d’impacts également élevé en cas de débordement, souligne l’hydrologue, qui a participé à l’élaboration des plans de la troisième correction correction du Rhône: « Les solutions qui sont préconisées seraient d’élargir et de donner plus d’espace au Rhône afin d’abaisser les lignes d’eau. Mais elles sont contestées. » En effet, le Canton du Valais a récemment divulgué les résultats d’une expertise externe affirmant que ces plans étaient largement disproportionné, et qu’une correction du Rhône plus modeste, plus ciblée, et donc moins coûteuse, serait possible.
Pour Jean-Pierre Jordan, la catastrophe de ce week-end montre au contraire que ces plans étaient justes et justifiées. Ce dossier ne manquera donc pas d’être rediscuté ces prochains mois