ANALYSE. La nouvelle fusée européenne arrive avec quatre ans de retard, et dans un paysage extrêmement concurrentiel. Pourra-t-elle s’y faire sa place, et redorer le blason de l’Europe spatial qui était leader il y a une quinzaine sur le marché des lancements commerciaux.
Ariane-6 débarque dans un marché des lanceurs extrêmement concurrentiel, avec un concurrent principal: la société américaine SpaceX, du fantasque milliardaire Elon Musk. Qui possède un gros avantage, puisque ses fusées sont largement réutilisables. Alors qu’Ariane-6 sera neuve à chaque vol – un choix assumé de l’Europe, qui estime n’avoir pas un assez gros volume de lancements pour justifier une telle réutilisabilité.
Deux conséquences à cela, en faveur de SpaceX:
1.D’abord, une augmentation de la fréquence des lancements: SpaceX a prévu 148 tirs en 2024, tandis qu’Ariane table sur 9 à 12 lancements par an seulement
2.Deuxièmement, cette réutilisabilité fait justement baisser les coûts de lancement, pour autant que le volume de lancements soit assez important.
Et puis, il faut savoir qu’aux Etats-Unis, toute entité, publique ou privée, qui veut lancer un satellite dans l’espace doit le faire sur un lanceur américain. Tandis qu’en Europe, aucune préférence pour les lanceurs européens n’est imposée aux entités européennes souhaitant accéder à l’espace.
Ainsi, il y a deux semaines justement, EUMETSAT, l’institution non liée à l’UE qui gère les satellites météo pour le Vieux Continent, a annoncer renoncer à lancer son prochain engin de nouvel génération sur Ariane-6 en 2025, lui préférant SpaceX.
Aucune raison n’a été publiquement avancée, et l’on peut imaginer que les dirigeants d’EUMETSAT ont voulu se rabattre sur une lanceur ayant déjà fait ses preuve. Mais l’annonce n’a clairement pas un été un coup de pub pour l’Europe!
Est-ce à dire que l’avenir d’Ariane-6 est compromis? Non. Et cela, pour plusieurs raisons:
1. D’abord, Ariane-6 peut aller sur des orbites où d’autres fusées ne vont pas, notamment sur des orbites géostationnaires, à 36’000 km pour y placer de très gros satellites.
2. Ensuite, certains acteurs ne veulent pas lancer avec SpaceX. Comme le milliardaire et patron d’Amazon Jeff Bezos, qui déploie sa constellation de satellites de télécommunication Kuiper, et a réservé pour cela 18 lancements avec Ariane-6. Ainsi, le nouveau lanceur européen devient une vraie alternative.
3. Enfin, le marché des lancements est en plein boom et le secteur n’est pas SATURÉ. D’ailleurs, Ariane a déjà vendu 30 lancements, dont ceux à Amazon!
Au final, cette nouvelle fusée peut donc se faire une place. Pour autant – bien sûr – qu’elle réussisse son premier vol ce 9 juillet 2024.