La construction du réacteur de fusion nucléaire ITER, dans le Sud de la France, a repris après deux ans d’interruption dus à une malfaçon de certaines pièces. Ce projet à 23 milliards d’euros veut produire de l’électricité propre d’ici le milieu du siècle.
Entrer dans les hangars d’ITER, près d’Aix-en-Provence, c’est pénétrer dans une cathédrale de technologie! Qui abritera l’expérience la complexe jamais construite pour produire de l’énergie: le réacteur de fusion nucléaire ITER
Les enjeux sont énormes, comme l’explique le directeur-général du projet, l’Italien Pietro Barabaschi: « ITER est très important car il réunit en une seule machine toutes les technologies connues pour générer la fusion. Et il concentre aussi tous les efforts mondiaux, à travers les sept membres, dans un projet de paix. »
Fusion en continu
Un projet qui veut rien de moins que recréer sur Terre le mécanisme qui fait bruler le Soleil. Dans un thermos géant en forme de bouée – un tokamak -, des gaz chauffés à 150 millions de degrés par des micro-ondes, formant ce qu’on appelle en physique un ‘plasma’, c’est-à-dire une sorte de soupe vaporeuse de particules électriquement chargées (proton, électron). Celles-ci peuvent alors fusionner, en dégageant une énergie récupérée sous forme de chaleur dans les parois du réacteur.
Au contraire des centrales nucléaires habituelles, fonctionnant avec la fission des atomes d’uranium, cette réaction de fusion ne produit aucun déchet dangereux. Mais elle reste très difficile à maîtriser. « Les grands défis scientifiques d’ITER, c’est d’abord d’arriver à produire 10 fois plus d’énergie de fusion par rapport à l’énergie qu’on a injecté, explique Xavier Litaudon, directeur de recherches au Centre français à l’énergie atomique (CEA). Et puis, c’est d’avoir des réactions de fusions qui puissent être très stables dans le temps, de façon à ce qu’on puisse avoir une énergie produite en continu. »
Construire la machine
Mais le premier défi, c’est bien sûr d’abord de construire la machine, avec des pièces très compliquées venant du monde entier.
Il y a quelques années, un élément de l’immense chambre à vide du tokamak n’avait pas exactement les bonnes dimensions. Il a donc dû être démonté, pour être modifié. De quoi causer deux ans de retard.
Un délai qui s’est ajouté à d’autres écueils : guerre de la Russie, l’un des sept partenaires; une pandémie qui a freiné le chantier; et des coûts qui explosent : au moins 23 milliards d’euros désormais, soit cinq fois plus qu’au lancement des travaux en 2006. De quoi, là, faire sérieusement grincer les Etats membres.
Démarrage d’ici une décennie
Mais la confiance règne : « Je suis confiant… qu’on va trouver d’autres défauts, badine Pietro Barabaschi. En fait, nous devrons être prêts à réagir rapidement. Dans le nouvel agenda, nous allons prévoir les risques que des problèmes arrivent, mais aussi du temps pour les résoudre. » En coulisse, on évoque désormais un premier plasma d’ici une décennie, pour ce projet pharaonique auquel sont associés les scientifiques suisses : « Tout d’abord, à l’EPFL, nous avons une machine (un tokamak) qui nous permet de tester les scenarios que l’on va utiliser dans ITER, détaille Yves Martin, directeur-adjoint du Swiss Plasma Center de l’EPFL. On forme aussi les gens qui vont travailler plus tard sur ITER. Et finalement, on teste des équipements qui seront utilisés sur ITER. »
Au final, l’espoir de prouver enfin la viabilité de la fusion nucléaire comme source d’électricité propre dès 2050. Et de faire mentir les quolibets selon lesquels cela fait 30 ans qu’on dit que la fusion, c’est pour dans 30 ans.