Découvert il y a une trentaine d’années, une molécule, le GLP-1, aide les diabétiques. Depuis peu, on sait qu’elle peut être utilisée pour faire perdre quelques kilos. Mais cette hormone pourrait être aussi efficace contre bien d’autres maladies!
Mounjaro, Wegovy, Ozempic: à la base, des traitements contre le diabète, mais qui sont détournés aujourd’hui pour perdre quelques kilo. Derrière cette tendance, une aventure scientifique de 30 ans, basée sur une découverte majeure…
Lorsque l’on mange, les intestins sécrètent une molécule, nommée GLP-1, qui déclenche, dans le pancréas, la production d’insuline, une hormone cruciale pour assimiler le sucre dans le sang. Or ce système dysfonctionne chez les diabétiques.
Pour les aider, les chimistes ont longtemps tenté de fabriquer ce GLP-1. Mais ils buttaient sur un écueil : leur produit de synthèse se dégradait trop vite pour servir de médicament.
La solution est venue un peu par hasard d’une créature alors étudiée parce qu’elle ne mange qu’une fois par mois: le monstre de Gila, comme le raconte Daniel Drucker, professeur d’endocrinologie à l’Université de Toronto, et pionnier du domaine : « Dans les années 90, le biologiste new-yorkais, John Eng, a découvert, dans le venin du monstre de Gila, un peptide qui ressemblait très fort au GLP-1, mais qui résistait à toute dégradation. Une caractéristique très utile pour la mise au point de médicaments. » Grâce donc aux savoirs acquis avec ce gros lézard, un GLP-1 de synthèse est produit, assez robuste pour être injecté aux diabétiques.
Jusqu’au cerveau
Mais l’histoire continue : les chercheurs observent que ce même GLP-1 monte aussi jusqu’au cerveau, pour lui signaler lorsque nous n’avons plus faim. La molécule semble ôter l’envie de manger – justement comme chez le monstre de Gila. Chez l’humain, elle est donc exploitée contre l’obésité et le surpoids, malgré quelques effets secondaires : constipation, perte musculaire.
Pour l’industrie pharma, le marché est immense, estimé à 100 milliards de dollars par an d’ici 2030.
D’autant, surtout, que le GLP-1 semble être efficace aussi contre d’autres maladies, comme les maladies cardiovasculaires, qui seraient réduites d’une vingtaine de pourcents. Des effets bénéfiques aussi contre les affections du foie, des reins, des poumons, mais aussi contre la maladie d’Alzheimer. Et peut-être l’infertilité.
Un biologiste suisse comme serrurier
Cette effervescence scientifique, on la doit notamment à un biologiste suisse, Bernard Thorens, qui a découvert la « serrure » par laquelle, telle une clé, le GLP-1 peut entrer dans ces organes. Ce professeur émérite en physiologie à l’Université de Lausanne et à l’Institut suisse de bioinformatique SIB, a permis d’ouvrir des pistes fascinantes: « D’abord on aimerait comprendre pourquoi ces molécules sont si puissantes ; on sait qu’elles doivent agir au niveau du cerveau, mais on ne sait pas exactement comment. L’autre chose, c’est que ces différentes molécules font partie d’une famille de molécules qui pourraient chacune avoir un effet beaucoup plus spécifique pour chacune des maladies métaboliques qu’on étudie. Donc là, il y a un champ d’exploration énorme.