Une équipe européenne, dont font partie des scientifiques suisses, ont réalisé la prouesse visée depuis 4 ans et autant de travail acharné: extraire de la calotte polaire de l’Antarctique une glace vieille de 1,2 million, contenant de précieuses informations sur notre climat passé, mais aussi pour le futur de la Terre.
Sous des tentes provisoires perdues au milieu de l’Antarctique, non loin de la base scientifique franco-italienne Concordia, sont extraites du sol gelé, des carottes… de glace. Avec il y a fin décembre 2024, le prélèvement de l’échantillon le plus ancien jamais obtenu, à 2800 mètres de profondeur, juste au-dessus du socle rocheux, dans le cadre de vaste projet européen Beyond EPICA. Budgeté à environ 50 millions d’euros, il réunit douze institutions scientifiques du Vieux Continent, dont l’Université de Berne; la Suisse participe à hauteur de 11 millions de francs suisses.
Cette matière gelée est comme un Graal pour les paléoclimatologue, car elle contient les archives du climat terrestre. « Et pour la première fois, nous avons récolté des fragments vieux de 1,2 millions d’années. C’est une immense percée! », se réjouit Hubertus Fischer, professeur de physique du climat à l’Université de Berne, et coordinateur suisse de Beyond EPICA.
Dans les bulles piégées dans la glace, tous les gaz présents dans l’air à ces époques lointaines. Le CO2 par exemple: des glaces de 800’000 ans ont déjà permis de retracer les concentrations dans l’atmosphère depuis lors, jusqu’au record d’aujourd’hui. Et la courbe montre des pics de mesure tous les 100’000 ans. Des maxima ui correspondent à autant de cycles glaciaires. Mais avant -800’000 ans, on sait de l’étude de l’évolution des niveaux des océans que ces mêmes cycles glaciaires étaient plus fréquents, espacés de seulement 40’000 ans. Pourquoi? C’est un mystère pour le climatologue. Un mystère que devrait pouvoir aider à résoudre l’étude de cette glace permettant de remonter 400’000 supplémentaire dans le temps, comme le confirme Thomas Stocker, pionnier de l’étude du climat dans les glaces anciennes à l’Université de Berne: « Si on n’a pas compris le ralentissement des cycles glaciaires de 40’000 ans à 100’000 ans, ça veut dire, on ne comprend pas complètement le système climatique. » Et le spécialiste de poursuivre en expliquant à quoi vont servir les mesures sur la glace fraîchement extraite: « On a besoin des modèles où on introduit ces informations des carottes de glace pour modéliser l’avenir du climat. »
Chaîne du froid à maintenir
Mais d’abord, il s’agira de rapatrier ces carottes en Europe, en les maintenant dans une chaîne du froid à -50°C, entre les containers trimbalés d’abord sur la calotte polaire de l’Antarctique, puis sur des navires, et enfin en camions. Les institutions de Beyond EPICA analyseront ensuite ces échantillons, chacun en pistant un ou plusieurs gaz particuliers. L’Université de Berne a même développé un nouveau protocole scientifique dans ce domaine: « Ici, on procède à la sublimation de la glace : un rayon laser est dirigé sur l’échantillon, explique Hubertus Fischer.Cela fait passer la glace … directement de sa forme solide à la phase gazeuse. Ce qui libère les gaz prisonniers, que nous pouvons mesurer.
Des analyses, qui seront comparées à celles d’un autre carottage mené en Antarctique, par une équipe australienne.
De quoi rendre plus solide encore l’étude du climat passé de la Terre, mais aussi celui qui nous attend