Utiliser de la cellulose – autrement dit des plantes – pour remplacer le dioxyde de titane, un pigment blanc encore impliqué dans la préparation de plusieurs produits cosmétiques et médicamenteux, mais contesté à cause de ses propriétés cancérogènes : voilà ce que propose une start-up de l’Université de Fribourg, qui vient de lever 3.4 millions de francs pour développer ses recherches.
Le dioxyde de titane : un pigment qui donne brillance, blancheur et opacité. L’an dernier, il a été interdit dans les produits alimentaires, en Europe et en Suisse. En cause : ses propriétés potentiellement cancérogènes.
Aujourd’hui, plusieurs cosmétiques et médicaments qui en contiennent aussi, sont à leur tour menacés. D’où l’intérêt de trouver des pigments de substitution, comme l’explique Sophie Michaud-Gigon, secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs (FRC): « Il y a un peu deux voies : soit on arrive à se passer de cette substance – tant mieux. Soit justement on n’arrive pas à s’en passer. Dans ce cas-là, il faut trouver une substitution. Et une substitution qui ne soit pas nocive pour la santé. »
A l’Université de Fribourg, une start-up développe une solution originale, à base de cellulose. Ce constituant principal des plantes est disponible en plaques dans le commerce. La matière est dissoute, puis subit un traitement chimique spécial, avant d’être séchée. En plus d’être 100% naturelle, cette poudre de cellulose a un autre avantage, assure Lukas Schertel, CEO de Impossible Materials: « Obtenir du blanc dans une préparation n’est pas difficile. Ce qui l’est, c’est d’y parvenir avec de très fines couches, donc très peu de matière. Nous avons trouvé une solution. Nous pouvons ainsi proposer à nos clients un matériau plus sûr, et meilleur marché. »
Ironie de l’histoire
Mi-mars, la jeune pousse fribourgeoise est venue ici à Paris, invitée par la grande foire de start-ups « Hello Tomorrow », pour convaincre ses premiers clients industriels. Les enjeux sont si grands qu’investisseurs et géants des cosmétiques et de la pharma refusent pourtant d’évoquer ouvertement leurs intérêts; le dioxyde de titane pèse tout de même 16 milliards de dollars par an.
Seul cet expert auprès de la Commission européenne, Eric-Olivier Pallu, accepte de commenter : « Je pense qu’il y a un gros marché au niveau des entreprises, puisqu’il faut répondre aux demandes des consommateurs, et aux besoins, aussi, de régulation des Etats. Et donc il y a un marché énorme de substitution de la cellulose au dioxyde de titane. »
Pour preuve, la start-up vient de boucler une levée de fonds à 3.4 millions de francs. Lukas Schertel: « Nous suscitons un gros intérêt. Mais il reste beaucoup à faire pour établir une production massive du pigment blanc. Nous investissons dès lors dans une ligne de production-pilote. » Cette installation-pilote sera montée à Marly, près de Fribourg, dans les anciens locaux d’Ilford.
Ironie de l’histoire : cette entreprise y a produit pendant 50 ans des tonnes de papier-photo – aussi fait de cellulose.