L’ «état de sidération » a donc été ajouté au « non, c’est non » dans la nouvelle, pour souligner que les personnes violées peuvent être incapables d’agir, voire de parler. Mais comment s’explique cette réaction ? Depuis quelques années, les neuroscientifiques convergent pour dire qu’elle naît de manière totalement involontaire dans le cerveau, en cas de peur massive et soudaine impliquant la survie de l’individu concerné.
La peur: dans le cerveau, avoir peur active l’amygdale, un noyau dont le rôle est d’engager le cortex moteur qui commande les muscles. Résultat : devant le danger, on se bat, ou on détale. Mais si la menace est trop grande ou trop proche, ce circuit cérébral peut dysfonctionner. Des neuroscientifiques anglais tentent aujourd’hui d’expliquer pourquoi.
« L’hypothèse nouvelle, c’est que le système cérébral pour la peur et les menaces, peut bloquer la commande motrice qui descend du cortex vers le corps, les muscles, pour nous donner l’action volontaire. Et dans cet état de blocage, une personne ne peut pas agir, s’exprimer », explique Patrick Haggard, professeur en neurosciences cognitives au University College London.
Cette hypothèse vient d’être décrite dans la revue Nature, mais dans « Commentaire ». Ce n’est donc pas une étude menée dans le cerveau de personnes violées, car cela serait éthiquement indéfendable. Mais l’hypothèse reste solide. Car depuis peu, des études par IRM permettent de visualiser les circuits de la peur. Et les observations du monde animal sont riches : dans la savane, l’impala peut sembler pétrifiée, morte, devant le fauve prêt à la manger. Mais quand celui-ci s’éloigne, elle retrouve vie et décampe !
Armé pour les tribunaux
Et chez les souris, les chercheurs peuvent suivre l’activité dans le cerveau lorsqu’elle se figent de peur. S’ajoutent les récits des femmes violées, dont 70% disent s’être retrouvées dans un tel état de sidération.
Pour ce Panteleimon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie aux Hôpitaux Universitaires de Genève, ces études confortent la nouvelle loi sur le viol : « On est maintenant armé du point de vue de l’arsenal légal d’une possibilité de reconnaître ce que la neurobiologie a montré, c’est-à-dire que l’état de sidération n’est pas un mythe, mais c’est une situation qui peut bien exister, et qui a une base neurobiologique. »
Autrement dit, l’inactivité de la victime d’un viol, parce qu’elle survient de manière involontaire, ne pourra plus être simplement interprétée comme argument de consentement.