Dans le domaine maritime, les projets impliquant de petits navires électriques équipés de foils, ces ailerons installés sous la coque, prolifèrent. Cette technologique permet des économies d’énergie substantielles, allant de 40% à 70%. Ces navires sont dorénavant conçus pour le transport de passagers, voire bientôt de fret dans les grands ports.
Sur les eaux du lac d’Annecy, une embarcation inhabituelle pour douze passagers, comme une sorte de bulle « volante », est actuellement soumise à des essais. « Un bateau à foils est doté de deux ailes sous sa coque, ressemblant à celles d’un avion, mais submergées sous l’eau. En accélérant, le bateau décolle sur ses ailes », a décrit le directeur général adjoint de SeaBubbles Cyril Moëne mercredi dans le 19h30 de la RTS.
Cette technologie s’accompagne d’une propulsion électrique, éliminant ainsi toute émission polluante. Une innovation qui promet de révolutionner le transport de passagers par voie maritime.
Limiter l’impact sur les berges
Selon l’architecte naval, ingénieur à l’EPFL et expert des foils Robin Amacher, qui travaille sur le projet expérimental de monoplace à foils Swiss Solar Boat, les avantages de ces ailerons aquatiques sont nombreux. Il souligne: « Grâce aux foils, nous pouvons soulever la coque du bateau au-dessus de l’eau, éliminant ainsi la résistance de l’eau à l’avancement. Cela se traduit par une consommation d’énergie nettement réduite, tout en permettant au voyageur de profiter d’un confort accru: les passagers ne ressentent en effet plus les secousses des vagues, ce qui crée une sensation de tapis volant. »
Et l’ingénieur d’ajouter: « Cette technologie contribuera à réduire les perturbations sur les berges, qui sont parfois endommagées par les vagues. Ces avantages s’accompagnent cependant d’inconvénients potentiels. Comme le relève Robin Amacher, ces embarcations sont plus sensibles aux obstacles tels que le bois ou les algues dans l’eau. De plus, les mécanismes complexes des foils peuvent représenter des sources potentielles de pannes. »
Ligne régulière sur le lac d’Annecy
Cet été, à Annecy, une petite embarcation de quatre places a opéré une ligne de transport public homologuée pour contourner les embouteillages de la ville. Il s’agissait d’une première pour un hydrofoil à propulsion électrique.
« Avec cette ligne pilote, nous avons créé un écosystème complet, incluant l’électrification des pontons, la réglementation et l’innovation, indique Virginie Seurat, directrice générale de SeaBubbles. Nous avons désormais la preuve que cela fonctionne à petite échelle, et nous travaillons sur un modèle de douze places en vue d’un déploiement à plus grande échelle. » Celui-là même qui est testé ces jours en pleines eaux.
Premier ferry en 2024
L’essor de ces hydrofoils ne se limite pas à Annecy. Des projets similaires sont en cours en Irlande, en Suède, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, promettant une saine compétition. En Suisse aussi, au Bouveret (VS), un catamaran à foils est en développement pour le transport de passagers sur le Léman.
A Belfast, chez l’un des principaux acteurs de ce secteur, Artemis Technologies, le directeur technique Romain Ingouf estime que « ce marché représente des centaines de millions de dollars ». L’ambition de cette société, qui a construit des zodiacs à foils pour la maintenance en haute mer et va lancer sous peu son taxi aquatique – un navire à foils pour douze personnes également – est de mettre à l’eau un ferry pour 150 passagers d’ici fin 2024. Celui-ci sera destiné à être utilisé dans des villes côtières ou portuaires, comme potentiellement Stockholm ou la baie de San Francisco.
Un ferry pour 150 passagers, destiné à être utilisé dans des villes côtières ou portuaires telles que Stockholm ou la baie de San Francisco, pourrait être mis à l’eau d’ici la fin de 2024. [RTS]
Des avancées technologiques
Mais pourquoi assiste-t-on aujourd’hui à cette explosion de projets impliquant des foils, alors que cette technologie existe depuis plus d’un siècle? « Plusieurs facteurs contribuent à cette tendance, explique l’architecte naval Robin Amacher. Tout d’abord, les avancées dans les matériaux, notamment les fibres de carbone, offrent des structures légères et rigides, idéales pour des foils performants. De plus, les systèmes de contrôle de vol informatique permettent de gérer en temps réel des embarcations instables, et ceci de manière optimale. »
Ces évolutions stimulent d’ailleurs encore davantage l’innovation, avec des projets tels qu’une embarcation électrique pour quatre personnes, équipée d’un foil rétractable pour faciliter l’accès au port, imaginée par le marin français Alain Thébault, l’un des pères de la technologie des foils.
La prochaine étape qu’il imagine consistera à utiliser cette même idée pour le transport local de containers dans les grands ports, grâce à des foils rétractables et surtout très larges, donc capables de transporter des charges importantes. Si elle est implémentée, cette approche inédite contribuera à décarboner un secteur majeur du transport maritime.