L’Agence spatiale américaine (Nasa) a annoncé ce 25 octobre vouloir envoyer un nouveau robot, nommé VIPER, sur la Lune en décembre 2022. Ce rover partira à la recherche d’eau enfouie dans la poussière lunaire du Pôle sud de la Lune, et devrait même y gouter!
Pourquoi c’est intéressant. Les scientifiques savent depuis des années qu’il y a, sur l’astre, de l’eau. Peut-être jusqu’à des millions de tonnes, très probablement sous forme de glace, et surtout dans les zones d’ombres des cratères situés à ses pôles. La confirmation de la présence d’eau, puis l’estimation de sa quantité, permettront d’évaluer la possibilité de l’utiliser comme ressource (boisson, oxygène respirable, etc) pour les habitants des futures bases lunaires voire comme carburant (après séparation de l’oxygène et de l’hydrogène) pour propulser d’éventuels vaisseaux qui partiraient de la Lune, vers Mars par exemple.
Le projet. Présenté lors du Congrès astronautique international (IAC) à Washington, le rover VIPER (pour Volatiles Investigating Polar Exploration Rover) sera gros comme une voiture de golf. Appelé à parcourir plusieurs kilomètres, il utilisera, durant une centaine de jours, ses quatre instruments pour échantillonner différents lieux:
- un spectromètre à neutron (Neutron Spectrometer System, NSS) pour détecter les zones humides sous la surface d’investigation
- une foreuse (The Regolith and Ice Drill for Exploring New Terrain, TRIDENT) pour creuser jusqu’à un mètre de profondeur
- un spectromètre de masse (Mass Spectrometer Observing Lunar Operations, MSolo), pour déterminer la composition et la concentration des ressources potentiellement accessibles
- un autre spectromètre (Near InfraRed Volatiles Spectrometer System, known, NIRVSS) pour affiner ces mêmes mesures.
Anthony Colaprete, scientifique principal de la mission:
«C’est incroyablement excitant d’imaginer un rover capable d’arpenter l’environnement du Pôle sud lunaire et de découvrir exactement comment où l’on pourra exploiter l’eau qui s’y trouve.»
L’aspect intéressant de cette mission. Si le robot et ses instruments devraient être construits par les centres de recherches de la Nasa, ce n’est pas l’agence américaine qui devrait l’envoyer dans l’espace. Jim Bridenstine, administrateur de la Nasa, vendredi à Washington lors de l’IAC:
«Nous allons faire acheminer VIPER sur la Lune par une compagnie privée, que nous aurons contractée à travers notre programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS). Nous achèterons ainsi un service [le voyage vers la Lune en l’occurrence].
Une telle possibilité existera-t-elle en 2022? Nous pensons que oui. Souvenez-vous du Google Lunar X-Prize [un concours visant à encourager le lancement par des sociétés privées de robots lunaires]: cette compétition n’a certes pas vu de gagnant, mais nous pensons que certaines des compagnies candidates peuvent nous aider à nous amener là-haut.»
Le défi. L’un des écueils les plus important, sinon le challenge majeur de cette mission, sera d’assurer la survie du robot dans une région de la Lune extrêmement froide, où les températures peuvent descendre sous les -150°C en l’absence de lumière solaire. Par le passé, d’autres engins, russe (Lunokhod 2) ou chinois (Yutu), avaient été envoyés dans les cratères polaires, mais ils étaient contraints à se mettre en mode «veille» durant la nuit lunaire. La Nasa, elle, souhaite maintenir son rover en activité en continu.
L’eau sur la Lune, pas une nouveauté. Les scientifiques sont sûrs de sa présence depuis une décennie au moins.
- En 2009, la sonde américaine LCROSS a permis d’observer directement, dans le panache issu de l’impact d’un projectile sur la surface lunaire, des traces d’eau, celle-ci étant toutefois répartie de manière très irrégulière.
- En 2008 déjà, la sonde indienne Chandrayaan-1 met au jour la présence d’eau glacée au sein des cratères situés aux pôles lunaires.
- Auparavant, dans les années 1990 déjà, les sondes Clementine et Lunar Prospector montraient déjà la présence de grandes zones riches en hydrogène (atome qui entre dans la composition de la molécule d’eau H<sub>2</sub>0) aux pôles sud et nord.
Le contexte. VIPER doit préparer le terrain aux missions habitées du programme Artemis de la Nasa, qui sont annoncées dès 2024. Durant toute la semaine à Washington lors de ce congrès de l’IAC, les responsables américains, le vice-président Mike Pence en tête, n’ont cessé de redire que ce seraient les Américains qui dirigeraient cette nouvelle conquête du satellite naturel terrestre, quitte à ce que d’autres nations (ou groupes de pays, comme l’Europe) se joignent au mouvement, l’objectif ultime étant d’installer une présence humaine durable sur la Lune.
Jim Bridenstine:
«On veut désormais aller sur la Lune pour y rester, apprendre à y vivre, pour ensuite, de là-bas, viser Mars.»
Pour la petite histoire, Jim Bridenstine a rappelé vendredi à Washington qu’Artemis était la soeur d’Apollon (Apollo étant le nom du programme spatial ayant permis aux Américains d’aller sur la Lune en 1969); une manière de souligner le fait que, désormais, il y aura systématiquement des femmes dans les missions spatiales américaines.
Selon le responsable, le risque que ce programme Artemis ne tiennent pas ses délais optimistes est moins technique («J’ai pour cela une confiance totale en nos équipes») que politique: les précédentes visions de reconquête lunaire américaines avaient été pensées sur de bien trop long délais en regard de l’agenda politique, variable en fonction des élections, tous les quatre ans aux Etats-Unis. Jim Bridenstine insiste:
«C’est pour cela qu’il nous faut aller vite!»
Un (prestigieux) avis externe. Aussi présent à l’IAC, Buzz Aldrin, le deuxième homme à avoir foulé le sol lunaire il y a exactement 50 ans, a rappelé que selon lui, la Nasa devrait abandonner la Lune et viser directement Mars pour y établir une colonie. Un message qu’il distille depuis au moins une décennie, puisqu’il nous l’avait déjà livré en 2009 dans une longue interview.